People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 18/11/2016

Rencontre avec Emmanuelle Bercot

Emmanuelle Bercot passe de nouveau derrière la caméra (La fille de Brest) afin d’adapter le livre d’Irène Frachon Mediator 150 mg qui retrace le combat de cette dernière face à l’industrie pharmaceutique.

Comment est né le désir d’adapter cette histoire au cinéma ?
En fait, le projet est venu à moi il y a quelques années par le biais des deux productrices qui m’ont proposé d’adapter le livre d’Irène Frachon au cinéma. Et ce, sans que je puisse vraiment savoir pourquoi elle voulait que ce soit moi, hormis le fait qu’elles connaissent mon intérêt pour le milieu médical. Mais en lisant le livre, j’ai eu du mal à en percevoir le côté cinématographique. Certes, c’est une histoire qui ne peut laisser personne indifférent. C’est quelque chose de sidérant mais je ne voyais pas comment transposer cela dans un film. J’ai donc vraiment hésité à me lancer dans cette aventure car scénaristiquement, c’est costaud. C’est une affaire très technique, médicale, scientifique.

Qu’est ce qui vous a donc décidé ?
Finalement, c’est la rencontre avec Irène Frachon qui m’a convaincu de l’adapter. C’et son tempérament qui m’a décidé. C’est quelqu’un de haut en couleurs, tout en passion et en émotivité. Sans cela, je n’aurais pas fait ce film. Sa personnalité assez hors norme apporte du relief et de la légèreté malgré le sujet. D’autant que ce qui est beau dans cette histoire, c’est le combat de cette femme. Le Mediator n’est qu’un prétexte, une toile de fond.

Pouvez-vous préciser ?
Mon point de départ était avant tout de réaliser un portrait d’Irène Frachon, de cette femme ordinaire confrontée à une histoire extraordinaire. Il s’agit du portrait d’une combattante avant d’être l’histoire du Mediator. D’ailleurs, c’est pourquoi tout, ou presque, est vu à travers son regard.

A quel point Irène Frachon a t-elle été présente dans la fabrication de ce film ?
Elle a été présente à toutes les étapes du film. De toute façon, elle était notre source d’infos principale donc nous avons travaillé main dans la main.

Êtes-vous restée très fidèle au livre ?
Le défi était de résumer une histoire très complexe en 2 heures, de vulgariser tout en restant crédible et précis sur le côté médical. Aussi, nous avons du faire des choix concernant la période et les personnages auxquels nous nous sommes intéressés. Par exemple, le personnage incarné par Benoît Magimel est en fait une sorte de mélange de plusieurs protagonistes liés à cette affaire. D’autre part, encore une fois, mon but n’était pas de faire un documentaire sur le Mediator mais bel et bien de faire du cinéma. J’ai donc insufflé une dimension romanesque au film, j’ai dramatisé certaines scènes. J’ai pris quelques libertés tout en restant fidèle.

Autre point sur lequel vous avez pris des libertés concerne le choix de la comédienne incarnant Irène Frachon…
C’est vrai. En fait, durant les 3 années d’écriture du film, je ne voyais aucune comédienne française incarner ce rôle. J’ai donc commencé à chercher à l’étranger et c’est Catherine Deneuve qui, après le tournage de La Tête Haute, m’a parlé de cette actrice danoise qui jouait dans la série Borgen. Finalement, Sidse Babett Knudsen, qui parle très bien français, s’est imposée à moi. Notre rencontre à Copenhague s’est très bien passée et le scénario, qui était encore en chantier à l’époque, lui a très vite plu. Pour ce qui est du côté ressemblance, cela n’avait pas d’importance pour moi. Et dans le film, on assume les origines danoises de Sidse Babett Knudsen (ndlr : Irène Frachon est née à Boulogne Billancourt et a des origines charentaises) car ce n’est pas là l’essentiel. L’idée était de toute façon de rendre cette histoire la plus universelle possible et du même coup, de ne pas trop singulariser Irène.

Pourquoi avez-vous choisi de montrer à l’écran des scènes « chirurgicales » assez dures à voir ?
J’ai souhaité montrer certaines scènes de manière crue, frontale, car parler de valvulopathie cardiaque ne veut pas dire grand-chose pour les gens. Or, je voulais montrer la réalité des choses. Je voulais que les spectateurs se rendent compte des ravages que ce médicament est capable de causer dans la chair même des malades et de ce que Irène Frachon a du vivre : à savoir, par exemple, la dissection pure et simple à la morgue du corps d’une de ses patientes dont elle était devenue assez proche… C’est une scène dure mais à mes yeux il le fallait.

Pensez-vous qu’un tel film puisse avoir des répercussions ?
Sur le public oui. Je pense que cela peut permettre de les réintéresser au sujet et que ce n’est pas inutile. Pour le reste, il faudrait que le film fonctionne vraiment vraiment très bien pour qu’il puisse, ne serait-ce que prétendre, avoir un impact sur la justice.

Vous êtes vous servi de modèle pour réaliser ce film ?
Le film qui a certainement eu la plus grande influence sur moi pour aborder La fille de Brest a été Erin Brockovich car il y a beaucoup de similitudes entre les deux histoires. Cela a été un véritable repère. Sinon, j’ai également revu tous les grands films américains avec des enquêtes comme Les Hommes du président, Le Stratège, L’Idéaliste... Dans le genre, ce sont vraiment les meilleurs.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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