People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 09/01/2017

Rencontre avec Fabien Marsaud, Medhi Idir, Pablo Pauly et Soufiane Guerrab

Medhi Idir et Fabien Marsaud - alias Grand Corps Malade - signent, avec Patients, un premier long métrage à quatre mains basé sur le livre autobiographique éponyme du slameur.

Pourquoi avoir eu envie de transposer votre livre au cinéma ?
Fabien Marsaud : Tout est parti d’une envie de faire vivre l’histoire différemment que dans un livre. Puis, j’avais envie de me confronter à l’écriture d’un scénario. Sans pour autant forcément penser aller jusqu’au bout et réaliser le film d’ailleurs. Mais finalement, je me suis pris au jeu et j’ai eu envie de transposer cette histoire à l’écran. Sauf que je ne me voyais pas réaliser ce film tout seul. Du coup, j’ai fait appel à Medhi Idir, mon meilleur pote que je connais depuis très longtemps et qui a réalisé tous mes clips.

Comment s’est déroulée cette collaboration au cinéma ?
Medhi Idir : Avec Fabien, nous sommes meilleurs potes donc je connaissais déjà bien son histoire. Du coup, il y a des scènes du film qui m’étaient familières car il me les avait déjà racontées par le passé. En fait, les choses se sont faites naturellement car on avait déjà beaucoup travaillé ensemble sur les clips et l’on venait de terminer un court métrage. Grâce à cela, nous avions déjà cette habitude de travail à deux. Puis notre entente a permis de diminuer la pression inhérente à la réalisation d’un premier long métrage.

Quel était votre désir côté réalisation ?
Fabien Marsaud : On ne voulait pas d’une réalisation qui en jette mais on voulait quelque chose de cohérent, sans effets particuliers si ce n’est justement quelques idées de Medhi issues du monde du clip…
Medhi Idir : En fait, dans les clips, on essaie de chercher une idée forte, un concept avec une originalité tant sur la  forme que le fond. Et on a essayé de transposer un peu de ça dans ce long métrage. L’influence du clip se retrouve notamment dans les passages musicaux du film qui traduisent le temps qui passent. Là, on s’est laissé aller à des trucs un peu plus esthétiques. Après, c’est certain que passer du clip au long métrage demande beaucoup de travail. Même si les réflexes sont là, ce n’est pas tout à fait pareil.

A quel point le film est-il fidèle à la réalité ?
Fabien Marsaud : 99% du film est réel. Tous les personnages que l’on voit ont bien existé et toutes les scènes ont eu lieu. Il n’y a pas vraiment de place laissée à la fiction si ce n’est que l’on a poussé un peu plus la relation de séduction entre Ben et Samia que dans la réalité et que le personnage principal ne s’appelle pas Fabien.

Pourquoi donc d’ailleurs ?
Fabien Marsaud : Car je ne voulais pas qu’il s’agisse d’un biopic sur moi, sur Grand Corps Malade. Ce n’était pas le but. Celui-ci était de parler du handicap, de la rééducation, de ces centres… C’est la raison pour laquelle je ne parle pas d’avant l’accident puis de ce qu’il se passe après le centre. Je voulais avant tout rendre cette histoire vraiment universelle, que chacun puisse s’identifier. Aussi, lors du tournage, j’ai pris naturellement une distance vis à vis du personnage de Ben car il ne fallait pas qu’il soit un copié-collé de moi.

Du coup, Pablo Pauly, comment vous êtes-vous mis dans la peau de ce personnage « universel » mais largement inspiré de Fabien Marsaud, le réalisateur ?
Pablo Pauly : Tout d’abord, je n’ai vraiment pas joué Fabien Marsaud, je n’ai pas eu à l’incarner, à l’imiter. Ce qui m’a rassuré. J’ai juste interprété Ben. Ensuite, j’ai rencontré des patients et le personnel médical du centre, dont certaines personnes qui s’étaient vraiment occupées de Fabien à l’époque. Les observer et leur parler m’a beaucoup aidé à m’immerger dans le rôle. D’ailleurs, 95% des figurants sont vraiment des gens du centre dans lequel on a tourné et où Fabien a été hospitalisé.
Medhi Idir : On ne voulait pas débarquer au centre avec nos caméras et faire notre truc dans notre coin juste comme ça. On voulait que les gens qui travaillent sur place fassent partie du projet à part entière. En plus, ils connaissent les gestes à faire car ils les font au quotidien. Il était plus simple donc de leur demander de jouer leurs vrais rôles, que d’apprendre à des comédiens les bons gestes.
Fabien Marsaud : Lorsque l’on a montré le film au centre, cela a été très touchant. Ca a été un vrai beau moment.

Et vous Soufiane Guerrab, comment vous êtes-vous préparé pour votre personnage ?
Soufiane Guerrab : Je n’ai pas rencontré le vrai Farid avant le tournage. Je ne l’ai rencontré qu’après et cela a été très émouvant comme moment. Pour le rôle, j’ai surtout du apprendre à m’habituer au fauteuil roulant car dans le film, il s’agit d’un prolongement de mon corps depuis que je suis tout petit. Il fallait donc que ce soit naturel. Du coup, avant le tournage, pendant un mois, j’ai eu mon fauteuil afin de me familiariser avec lui et de l’oublier le plus possible au moment des scènes. Concernant la gestuelle, les postures, on avait comme coach l’ancien kiné de Fabien qui nous orientait sur ce qu’il fallait faire ou pas en tant que tétra ou paraplégique durant toute la durée du tournage.

Comment s’est déroulé le casting ?
Medhi Idir : Le casting a été assez long puisqu’il a duré 3 mois. A la base, on ne connaissait aucun des cinq jeunes acteurs principaux. On les a castés, rencontrés parmi de nombreux autres et au fur et à mesure on a commencé à les réunir pour voir si ça prenait, car c’est un film de groupe aussi. Pour incarner Ben, on cherchait quelqu’un de grand comme Fabien. Nous avons donc rencontré pas mal de monde mais lorsque l’on faisait des tests, ça ne fonctionnait pas. On a donc fini par retirer le critère de la taille de nos recherches et notre directeur de casting nous a tout de suite parlé de Pablo Pauly. A l’époque, il était à Londres pour ses études mais il est quand même venu jusqu’à nous pour passer des essais et on a kiffé.
Fabien Marsaud : Au final, ces acteurs sont notre plus grande fierté dans ce film car celui-ci repose essentiellement sur eux. Ils sont vraiment excellents.

Vous parvenez à parler du handicap tout en faisant rire. Etait-ce quelque chose d’important pour vous ?
Fabien Marsaud : L’humour, le fait de chambrer, de déconner c’est dans notre ADN. On ne voulait pas faire un film mélo, qui tombe dans le pathos. Le décalage, la vanne, le rire étaient vraiment importants. Il fallait que le spectateur rigole. D’autant plus que dans le centre, ça se passe comme ça. Il y a beaucoup d’humour. De l’humour même un peu dur parfois mais il permet de prendre un peu de distance par rapport à ces situations compliquées, de relever la tête, d’avancer. Paradoxalement, j’ai aussi de très bons souvenirs de cette période là.

L’une des forces du film est que peu à peu, on finit par oublier le handicap…
Fabien Marsaud : Comme le dit le personnage de Farid, lorsque l’on est handicapé, les gens ne voient plus que ça. Ils nous définissent par notre handicap et ne voient plus la personne derrière. Dans le film, c’est sans doute un peu pareil. Au début, comme dans la vie, on voit le handicap et juste ça. Mais le but de Patients est que l’on finisse justement par voir avant tout une bande de potes et que l’on passe au-delà du handicap. C’est ça qui est important et si ça fonctionne, c’est l’essentiel.

Vous êtes-vous inspirés d’autres films pour ce long métrage ?
Pablo Pauly : Les références sur lesquelles je me suis appuyé pour ce rôle sont des films comme Mar adentro (ndlr : de Alejandro Amenabar), Hasta la vista (ndlr : de Geoffrey Enthoven), Le scaphandre et le papillon (ndlr : de Julian Schnabel) ou encore Vol au-dessus d’un nid de coucou (ndlr : de Milos Forman).
Fabien Marsaud : Avec Medhi, on a listé des films à voir. Dans le genre de ceux que Pablo vient de citer. Mais en fait on en n’a regardé aucun. On ne ressentait pas le besoin de s’inspirer à droite, à gauche. On voulait vraiment faire notre film à nous, sans se sentir influencés.

Cela vous a t-il donné envie de réaliser un autre film ?
Fabien Marsaud : Cette expérience m’a clairement donné envie de réaliser à nouveau. L’ambiance a été tellement extraordinaire sur le tournage, les acteurs étaient vraiment mobilisés. Mais bon ça, c’était assez unique. Ca ne se passe sûrement pas comme ça sur chaque plateau.
Soufiane Guerrab : En tout cas, moi je dis chapeau bas car, honnêtement, quand on lit le scénario, il n’y a pas de courses poursuite, de cascades… Il s’agit juste de raconter la vie de cinq handicapés dans un centre, de montrer leur ennui sans ennuyer le spectateur et ça marche. C’est fou mais le pari est risqué et réussi à mon sens.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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