People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 25/01/2019

Rencontre avec Félix Moati

Du haut de ses 28 ans, Félix Moati, qui se défini comme « un pessimiste déçu devenu par conséquent optimiste », est venu nous présenter Deux fils, son tout premier long métrage comme réalisateur. Entre deux tranches de saucisson et un peu de curé nantais. Et surtout avec beaucoup de bonne humeur.

Quel a été le point de départ de ce premier film derrière la caméra ?
Je voulais établir une sorte de dialogue entre le gamin, fantasmé aujourd’hui, que j’étais à 13 ans et le garçon que j’étais à 25 ans. Mon âge au moment de l’écriture du film. Afin de donner lieu à une confrontation entre un pré-ado en quête d’absolu et un jeune homme en train de déserter, de vaciller. Deux âges, deux visions de la vie différentes. Par ailleurs, à travers la relation avec leur père, je voulais montrer que souvent, à un moment dans l’existence, les enfants deviennent une épaule pour leurs parents. Avec ces trois personnages, je voulais mettre en scène des héros masculins fragiles, et non pétris de virilité comme bien souvent.

Comment avez-vous composé votre casting ?
Vincent Lacoste c’était une évidence pour moi. Cela étant, même si nous sommes super potes, il n’est pas du genre à tourner par amitié, pour faire plaisir. S’il a accepté, c’est que le projet lui a plu et j’en suis ravi. Concernant Benoît Poelvoorde, j’ai eu la chance de jouer avec lui dans Le Grand Bain et c’est un acteur formidable. Au départ, pour être honnête, je pensais à Gérard Depardieu pour incarner le père, mais quelques semaines avant le début du tournage, il a du se désister. Dans tous les cas, je voulais un comédien dont la personnalité dépasse la fonction. Quant à Anaïs Demoustier, j’ai de très bons souvenirs de notre tournage sur le film A trois on y va. J’aime cette féminité magnifique qu’elle dégage. Enfin, pour Mathieu Capella, dont il s’agit du tout premier rôle, nous avons effectué des castings et rencontré des centaines de jeunes garçons. Ce qui m’a séduit chez lui, c’est son empathie, sa formidable capacité d’observation. J’ai beaucoup appris à son contact. A travers lui, je voulais montrer l’adolescence différemment. Faire fi des boutons d’acnés et compagnie, mais plutôt de me concentrer sur la quête d’absolu, de sens que l’on peut ressentir à cet âge là. Je voulais un personnage assez sophistiqué.

Avez-vous pensé à jouer vous-même dedans ?
Non. Dès le départ, je savais que je ne voulais pas jouer dans ce film. En fait, je vois Vincent Lacoste comme mon alter ego. Je me déguise derrière lui. Toutefois, si un jour l’histoire s’y prête, je pourrais tout à fait jouer dans mon propre film. Mais je n’écrirai pas une histoire dans ce but. Surtout que j’ai la chance de pouvoir jouer dans les films d’autres cinéastes, donc je ne ressens pas de manque. Je ne me sens pas forcé. Il faudra vraiment que l’histoire soit la bonne.

A quel moment avez-eu envie de vous lancer dans la réalisation ?
Avant de jouer dans LOL, je ne savais pas que j’allais faire du cinéma. Ce n’est pas quelque chose que je recherchais forcément. D’ailleurs, ma cinéphilie ne préexiste pas à ce film. En fait, c’est vraiment ma rencontre avec Vincent Lacoste il y a 10 ans qui m’a donné envie de raconter des histoires, d’en faire mon métier. Il m’a donné le déclic pour y aller, pour oser me lancer. Avec la casquette d’acteur ou de réalisateur, peu m’importe, car pour moi il s’agit du même métier.

Quel a été le meilleur moment et le moins bon au cours de cette première expérience comme réalisateur ?
D’une manière générale ça a été une expérience géniale. Mais l’écriture a vraiment été un moment très agréable. Le film était très écrit d’ailleurs. Il n’y a pas eu d’impro. Je voulais que ce soit très rigoureux au niveau des dialogues. Quant au montage, ça a été le moment le plus douloureux. J’aime faire des films pour le plaisir du travail collectif, alors que le montage c’est l’expérience de la solitude. C’est assez troublant. 

Comment cela s’est passé au niveau de la direction d’acteurs ? Surtout avec un Benoît Poelvoorde réputé pour ne pas pas être toujours évident à canaliser...
Poelvoorde est avant tout quelqu’un qui aime jouer. Pour l’occasion, je voulais qu’il soit lui même. Qu’il conserve cette masculinité fragile qu’il a en lui. Et cela c’est très bien passé. Avec Vincent Lacoste, on est tellement amis que ça a été carrément facile. Quant à Mathieu Capella, ça a été un vrai plaisir car il est très attentif à tout. Honnêtement, ça a été un tournage très agréable.

La ville de Paris joue aussi son rôle dans ce film...
Je suis sensible aux réalisateurs qui filment les lieux qu’ils connaissent, dans lesquels ils ont grandi et où ils ont leur mémoire affective. Je connais moi-même très bien Paris pour l’avoir arpenter un bon nombre de fois. Je pense qu’il faut parler de ce que l’on connaît. 

Quels sont les réalisateurs que vous admirez ?
Il y a beaucoup de réalisateurs que j’admire et qui m’inspirent. Woody Allen évidemment, qui m’a presque appris la vie dans un sens. Mais aussi Jean-Pierre Melville. Ou encore Francis Ford Copolla. Je m’identifie tout à fait aux personnages de Martin Scorsese. J’adore Arnaud Desplechin et James Gray. Depuis peu, je découvre Pierre Salvadori. J’aime la délicatesse de sa comédie avec des personnages blessés. Sidney Lumet est un des réalisateurs que j’aime le plus.  Il y a aussi tout un cinéma en provenance des pays de l’Est qui me plait beaucoup. Mais pour Deux fils, j’ai davantage pensé à Woody Allen et Martin Scorsese qui filment tous les deux leur ville et mettent en scène des personnages très bavards.

Quels sont les sujets, les thématiques qui vous inspirent particulièrement ?
Les histoires de famille m’inspirent particulièrement. Le regret, le manque et l’absence sont aussi des thématiques extrêmement intéressantes à traiter au cinéma. 

Serez-vous plutôt derrière ou devant la caméra à l’avenir ?
Encore une fois, à mes yeux, réaliser et jouer, constituent le même métier. Il s’agit de se mettre au service de la fiction, d’histoires. Donc j’aime l’idée d’alterner. Mais prochainement, je vais surtout jouer. J’ai trois films sur le feu. Je vais avoir un petit rôle dans le dernier Wes Anderson. Je vais jouer dans un film en anglais avec Jesse Eisenberg, qui est un bon ami. Et dans un autre avec Noémie Lvovsky.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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