People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 16/02/2018

Rencontre avec Franck Dubosc

A l’occasion de son premier film comme réalisateur, Franck Dubosc a sorti son grand jeu de séducteur - à base d’humour et de sourire enjôleur - pour vendre sa comédie Tout le monde debout. Un exercice bien rôdé fonctionnant comme sur des roulettes.

Quel a été le déclic pour passer enfin derrière la caméra ?
J’ai à la fois toujours et jamais vraiment eu envie de réaliser. Toujours, parce que dès l’âge de 14 ans, j’écrivais des petits scénarios que je filmais ensuite avec une caméra Super 8. Jamais, car je me suis vite rendu compte qu’être réalisateur implique d’être le chef, ce dont je n’avais pas envie. En devenant acteur, au fil des années, de plus en plus de gens rencontrés m’ont encouragé à me mettre à la réalisation, arguant que j’écrivais mes spectacles, que je les mettais en scène, que je scénarisais certains films. Mais pour moi, il s’agit d’un métier à part entière et il n’est pas question de faire n’importe quoi. Il faut avoir une histoire à raconter. Seul le fait d’avoir un sujet intéressant pouvait donc justifier que je passe derrière la caméra. Cela a été le cas avec le scénario de Tout le monde debout. Lorsque j’ai imaginé puis écrit cette histoire, j’ai eu envie de la réaliser. J’ai senti que c’était le bon moment pour moi. En fait, j’avais le sentiment que pour que cela soit fidèle à l’idée que je m’en faisais, il fallait que je m’en charge moi-même. Ceci dit, je n’avais pas besoin pour ma carrière ou financièrement de me mettre à la réalisation. C’est juste l’envie qui m’a motivé.

Quelle est la genèse de Tout le monde debout ?
Deux raisons principales. Dans mes spectacles et films, j’ai vendu du dragueur, du beauf. J’ai été moi-même un séducteur, comme une bonne partie des hommes. Et, à un moment, je me suis demandé quel type de fille était capable de faire s’arrêter un dragueur qui a déjà tout connu, de la plus belle à la plus moche. La réponse qui m’est venue : celle qui est différente des autres, qui amène quelque chose de nouveau. J’ai donc eu envie de raconter une histoire d’amour entre deux personnes différentes. Mais physiquement et non socialement ou culturellement. D’autant que je me suis souvent aussi posé la question de savoir ce que je ferais si je tombais amoureux d’une personne handicapée. L’amour serait-il plus fort que la raison ? Par ailleurs, en raison de son âge, et parce qu’elle ne peut plus beaucoup se déplacer, ma mère est à présent en fauteuil roulant. Mais, alors que le fauteuil, symbole du handicap, est devenu pour elle une solution, elle l’a malgré tout vu comme un obstacle plutôt qu’une opportunité, lorsqu’elle n’a pas pu se rendre au marché de Noël en raison de quelques marches. C’est à ce moment là que j’ai pensé à toutes les personnes dans cette situation, confrontées à cela. Je voulais donc évoquer le handicap mais tout en étant léger et sans en faire le sujet du film.

Ecrire une comédie portant notamment sur le handicap, n’est-ce pas un peu délicat ?
Tout d’abord, une fois de plus, il ne s’agit pas d’un film sur le handicap du tout mais d’une histoire d’amour entre deux personnes différentes. Nous nous sommes donc constamment posés des questions, au moment de l’écriture, sur nos personnages, sur la relation entre eux deux car là réside le cœur de l’histoire. Le handicap est lui secondaire. Ensuite, cela n’a vraiment posé aucun problème. Cela s’est fait naturellement. Je ne me suis pas du tout censuré sur les blagues à ce propos. Vraiment pas. Et depuis que j’ai commencé à assister aux premières projections avec du public, je me rends compte que ça marche à tous les coups. Dans ce film, il n’était pas question d’aller trop loin de toute façon. Je pense que l’on a réussi à faire une comédie élégante et populaire

Y a t-il une part autobiographique derrière le personnage de Jocelyn ?
Jocelyn est quelqu’un qui ne s’aime pas vraiment et qui se cache donc derrière des mensonges. Il est plein de failles qu’il tente de dissimuler. Cet aspect est sûrement la part la plus autobiographique dans le film. Même si avec le temps, j’ai appris à m’apprécier, je ne m’aime pas beaucoup. Je me suis souvent menti à moi-même. Pour séduire, je n’étais jamais moi. M’inventer un personnage me satisfaisait plus. Mais si Jocelyn peut paraître, à certains égards, assez antipathique, j’ai la naïveté de penser qu’en ayant été moi-même bienveillant avec les personnages et notamment celui-ci, le public aura de la sympathie pour lui.

Comment votre choix s’est-il porté sur Alexandra Lamy pour incarner Florence ?
Je voulais une comédienne d’une quarantaine d’années, belle, lumineuse, pleine de vie, talentueuse, capable de faire oublier le handicap de son personnage et qui appartienne à ma famille d’acteurs. J’ai immédiatement pensé à Alexandra Lamy car elle correspondait à tous ces critères. Sans compter que le réalisateur Eric Lavaine m’avait plusieurs fois répété combien il était facile de travailler avec elle. C’est une incroyable bosseuse. Quelque soit ses rôles, elle s’implique vraiment. Elle ne se plaint jamais. Ce qui tombait bien puisque cela a été particulièrement intense sur ce film pour lequel il a fallu qu’elle apprenne à manier un fauteuil, un violon, à pratiquer le tennis mais aussi à jouer seulement avec le haut du corps. J’admire son enthousiasme pour tout et son goût pour la performance. Elle a vraiment sublimé son rôle.

Que retirez-vous de cette première expérience ?
Se diriger soi-même n’est pas une chose facile car ce n’est pas aisé de parvenir à se juger soi-même. Le Franck comédien a t-il bien fait ce que le Franck réalisateur voulait ? Il faut se fier à soi-même tout le temps. Il ne faut avoir confiance pratiquement qu’en soi. Et diriger d’autres comédiens, qui sont a priori des amis ou du moins des collègues, ce n’est pas évident non plus car il s’agit de faire preuve d’autorité en tant que réalisateur, à la manière d’un chef d’orchestre. Le côté schizophrénique n’a pas été simple, d’autant que je suis un éternel insatisfait, mais j’ai eu la chance d’être très bien entouré. Si je pouvais retravailler à chaque fois avec les mêmes équipes techniques pour les prochains films, ce serait fabuleux.

Cela signifie donc que vous avez déjà de nouvelles velléités en tant que réalisateur ?
Oui. J’ai déjà des idées pour d’autres réalisations et j’ai très envie de recommencer. C’est un exercice que j’ai adoré. Je ne me considère pas encore comme un réalisateur mais rien de ce que j’avais fait jusque là ne m’avait autant excité, enthousiasmé, comblé. Cela étant, une fois encore, il n’est pas question de faire une histoire, pour faire une histoire. Puis, le plus difficile n’est pas le premier film, mais le deuxième.

Pourriez-vous ne pas jouer dans vos prochaines réalisations ?
Je pourrais très bien ne pas jouer dans un film que je réalise. Sans problème. D’ailleurs, les trois scènes dans lesquelles je ne joue pas dans Tout le monde debout sont celles que j’ai préférées faire. De toute façon, je n’écris pas en pensant à moi. J’ai envie de continuer à diriger des acteurs mais sans ressentir la nécessité, le besoin d’être dans le film que je réalise. Il se pourrait très bien que dans le prochain ou l’un des prochains, je ne sois donc pas dedans.

Est-ce si différent d’écrire un film et un spectacle ?
J’ai écrit ce film presque comme mes spectacles. D’ailleurs, pour mes one man show, je commence toujours par écrire la fin dans laquelle j’intègre une dimension plus émouvante, comme pour m’excuser de ce qui est dit avant. J’ai fait pareil avec Tout le monde debout. Après, il y a évidemment quelques différences mais c’est assez complémentaire.

Avez-vous laissé de la place à l’improvisation ?
Honnêtement, c’est un film très écrit. Je ne suis pas contre l’impro du tout au contraire mais pour que cela soit efficace, il y a un rythme, une écriture très structurée. C’est important. Avant le tournage, j’étais toutefois à l’écoute des propositions des comédiens.

Quelles ont été vos références pour mettre en scène ce film ?
*
Je ne suis pas un cinéphile. J’aime le cinéma mais je ne suis pas très friand de comédie contrairement à ce que l’on pourrait penser. Je peux d’ailleurs aimer des films très durs. Mais, j’aime les frères Coen et leur façon d’aller très loin avec des gens simples. Les frères Farrelly aussi. Sur ce film, j’ai tout de même pensé à des choses comme Coup de foudre à Notting Hill, Love Actually, Pretty Woman, etc. Côté français, nous savons également faire de très bonnes comédies. Je pense par exemple à ce que fait mon amie Reem Kherici.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Tout le monde debout
Tout le monde debout

Sortie : 14/03/2018

Jocelyn, homme d'affaire, est un dragueur et un menteur invétéré. Lassé d'être lui-même, il se retrouve malgré lui à séduire une jeune et jolie femme en se faisant passer pour un handicapé.