People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 27/03/2018

Rencontre avec Jean-Pierre Améris

Aussi affable, touchant et entier qu’à son habitude, le réalisateur Jean-Pierre Améris s’est confié sur le pourquoi du comment de son dernier film, Je vais mieux.

Quelle est l’origine de cette nouvelle comédie ?
Si cette histoire est très proche de moi, il s’agit pourtant de l’adaptation d’un roman de David Foenkinos que j’ai adoré et aussitôt voulu transposer à l’écran. Je me suis vraiment identifié au personnage principal. Je souffre moi-même de mal de dos et cette idée de traiter, à travers ce réel handicap, de tous les autres maux cachés m’a plu. Le mal de dos résulte souvent de tout ce que l’on emmagasine, nos angoisses, notre stress. Le corps est mis à rude épreuve par la vie et il finit par se manifester. Par ailleurs, comme le personnage de Laurent, je n’arrive jamais à dire non, à m’imposer, à exprimer ce que je ressens et veux vraiment. Du coup, je garde en moi des frustrations. Un docteur m’a un jour dit : « La douleur peut sauver » et c’est ce qu’il se passe dans ce film en quelque sorte. De même, j’aime beaucoup cette expression que j’ai un jour entendue : « La douleur au dos, c’est un coup à la porte du passé ». Cela résume bien l’histoire de Je vais mieux.

A quel point êtes-vous resté fidèle au roman ?
Lorsque j’ai rencontré David Foenkinos, il m’a donné le feu vert pour l’adapter librement. Il m’a vraiment laissé m’approprier son histoire. Notre différence se situe en fait plus au niveau du ton que de la narration. Lui est plus réaliste que moi, plus psychologique. Je suis plus décalé. Ma version est plus onirique, picaresque que le roman. Il y a un côté Don Quichotte. En faisant ce film, j’avais aussi la vision du petit bonhomme dans les dessins de Sempé et j’ai pensé à Alice au pays des Merveilles. Ce qui m’intéresse c’est de créer de l’étrangeté, du décalage. On le ressent dans les décors notamment. D’ailleurs, lorsque je me suis pris de passion pour le cinéma à l’adolescence c’est le fantastique qui m’intéressait par dessus tout. Le fait d’entrer dans un monde totalement différent, qui bouscule les repères.

Aviez-vous d’autres références cinématographiques en tête ?
J’avais en tête ce professeur que joue Michael Sthulbarg  dans A Serious Man des frères Coen. Le personnage est en proie à divers ennuis et demande l’aide d’un rabbin pour comprendre le sens de ses tourments. Je me suis aussi inspiré de Mystery Train de Jim Jarmusch pour les couleurs du petit hôtel où se réfugie Laurent par exemple.

Eric Elmosnino, Ary Abitan, Judith El Zein, Alice Pol, François Berléand, etc, comment avez-vous concocté votre casting ?

Je l’ai composé avec l’envie de créer une petite troupe comme au théâtre. D’ailleurs, nombre des comédiens choisis en font régulièrement. J’aimais l’idée d’avoir des gens encore une fois un peu décalés, zinzins. Par exemple, je trouve qu’Alice Pol a quelque chose de drôle car elle est très jolie mais elle ne s’en rend pas compte, ce qui crée donc un décalage. J’ai aussi pris des gens d’horizons différents car j’aime le côté hétéroclite.

Avez-vous à présent une affection particulière pour le genre de la comédie ?
Il s’agit de mon 11e film de cinéma mais seulement de ma 3e comédie. Longtemps je ne me suis pas autorisé à m’immiscer dans ce genre. Ainsi je n’ai réalisé ma première comédie qu’en 2010 avec les Emotifs anonymes. Selon moi, le comique, le burlesque nait de la douleur. Qu’elle soit physique ou psychologique. Par exemple, un homme qui tombe fait rire. Me rendre compte de cela a été un déclic pour me lancer. Aujourd’hui, j’aime le côté œuvre utile, qui fait du bien. Me dire que quelqu’un va ressortir de la salle ragaillardi après avoir vu mon film me plait.

Est-ce particulièrement compliqué de faire rire ?
Faire rire est difficile. Dans Je vais mieux, contrairement à la plupart des comédies actuelles, il n’y a pas de vannes. Au contraire, tout tombe à plat et c’est justement ça le ressort comique. Comme quand le personnage de Berléand fait une blague et dit à son interlocuteur qu’il lui laisse du temps pour comprendre… C’est ce temps là, le rythme des acteurs, qui est à l’origine du rire dans ce film. Je pense qu’il ne faut pas confondre vitesse et précipitation. Dominique Farrugia qui produit ce film et est un maître dans l’art de faire rire m’a beaucoup aidé.

Quel est votre prochain projet ?
Outre le cinéma, j’aime aussi beaucoup la télévision. Illettré, mon prochain film sera donc diffusé sur France 3 à la rentrée prochaine. Cela se passera à Marseille avec notamment Kevin Azaïs, Annie Cordy et Sabrina Ouazani. Cela parlera d’un jeune homme de 30 ans illettré. J’aime que le cinéma me permette d’explorer des univers que la vie quotidienne ne me permettrait pas forcément.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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