People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 12/11/2018

Rencontre avec Mamoru Hosoda

C’est en version originale que le réalisateur de films d’animation japonais Mamoru Hosoda est venu nous présenter son dernier né : Miraï, ma petite sœur. Un entretien tout en sourire.

Qu’est ce qui vous a donné envie de faire ce film centré sur la famille ?
Ce qui m’a poussé à faire ce film, c’est ma vie de père. Ma principale source d’inspiration a été mes enfants. Au départ, je croyais qu’avoir des enfants voulait dire ne plus avoir de temps pour soi. Que c’était synonyme de nombreuses contraintes. En fait, je me suis rendu compte qu’être père ce n’est avant tout que du bonheur. J’aime passer du temps avec eux. Par ailleurs, avant, je pensais que les adultes apprenaient tout aux enfants. Mais en fait, les enfants apprennent aussi beaucoup de choses aux adultes. A travers eux, on revit sa propre jeunesse. On révise sa vie. On apprend à se connaître.

Avec cette histoire, que voulez-vous raconter concrètement ?
A partir de l’observation du quotidien, je me suis rendu compte que la vie de nos enfants est très similaire à la nôtre, même si les époques sont différentes. J’ai été surpris de constater que devenu moi-même père, j’ai dit à mes enfants les mêmes mots que me parents, ceux contre lesquels je m’étais tant révolté. La question de la transmission entre génération m’intéressait donc. Tout comme celle de la construction de l’identité. A travers ce film, je voulais évoquer le grand cycle de la vie et la boucle de cette vie que tisse chacun de nous. Nous sommes tous, en tant qu’individu, la somme d’un passé, d’un présent et d’un futur. 

Y a t-il une dimension autobiographique ?
C’est un de mes films les plus intimistes. Jamais je n’ai autant puisé dans ma propre histoire. Ainsi, ce sont mes enfants qui ont servi de modèles. On retrouve également dans le film de vraies discussions que j’ai pu avoir avec ma femme. Par ailleurs, l’histoire du grand-père de Kun est la véritable histoire de l’aïeul de mon épouse. 

Comment êtes-vous parvenu à vous mettre à la place d’un petit garçon ?
Cela n’a pas été facile de se mettre dans la peau d’un enfant de 4 ans bien sûr car je ne me souviens pas de cette période de mon enfance. Mais j’ai beaucoup observé mes enfants. Cela m’a permis de me reprojeter. J’ai pris conscience qu’à 4 ans, les enfants ne sont pas si immatures. Que ce sont des êtres humains qui doivent aussi passer des épreuves très dures de la vie. De façon générale, je suis un réalisateur qui essaie de faire des choses nouvelles à chaque fois. J’aime tenter des choses. D’autant que l’animation est un art qui a beaucoup de potentiel.

Comment avez-vous imaginé la maison et le jardin, qui tout deux jouent un rôle essentiel dans votre film ?
Pour un petit enfant, la perception de l’environnement est relativement limitée, la maison représente tout son univers. J’ai donc beaucoup travaillé là dessus. J’ai fait appel à un architecte qui a réalisé les plans d’ouvrage comme un véritable projet, apportant une véritable réflexion sur l’espace, la lumière, les volumes et les matériaux. Je voulais que cette maison apparaisse comme une sorte de scène de théâtre. J’ai ainsi choisi de retirer les murs et de les remplacer par des niveaux différents, en cascade. De la sorte, cela permet d’avoir une vue d’ensemble et de voir l’évolution de la famille au propre comme au figuré. Les marches pouvant symboliser l’évolution des personnages. Le jardin et son arbre revêtent une symbolique forte de temps : passage des saisons, arbre généalogique, temps qui passe, etc. Par ailleurs, j’ai pu constater en lisant de nombreux livres à mes enfants que la nature est quelque chose qui leur parle particulièrement. J’ai donc voulu qu’elle soit le terreau de l’imagination débordante de Kun. Pour moi, le fantastique n’est que le reflet de la vie réelle. 

Avez-vous puisé dans des sources d’inspiration cinématographiques particulières ?
Même si je réalise des films d’animation, je n’en regarde pas beaucoup. Ca ne m’intéresse même pas vraiment. Je regarde davantage de films traditionnels. Mais réaliser des films d’animation est très difficile, fastidieux, donc je n’ai pas beaucoup de temps. J’admets que je suis un mauvais spectateur. Avant tout, ce qui m’inspire vraiment, c’est ma famille, mes enfants, ma femme. 

Etait-ce important pour vous de réaliser un film qui puisse plaire tant aux enfants qu’aux adultes ?
Je n’aime pas trop faire des films pour des amateurs de l’animation, pour des Japonais, pour des Français, ou je ne sais quoi. Je n’aime pas catégoriser. Je pense que lorsque l’on fait un film de qualité, il traverse les frontières, les catégories. Je veux réaliser des longs métrages qui parlent au monde entier, peu importe le pays, l’âge, etc. Je veux transcender les cases. Ca me plait de me dire qu’une grand-mère aux antipodes du Japon, qui n’a jamais vu d’animation avant, puisse aimer ce que je fais.

Quel a été l’accueil du public japonais à la sortie du film ?
Le film est sorti pendant les vacances d’été 2018 au Japon et il y a eu 2 millions de spectateurs. Mais je suis parti en tournée à l’étranger - car le film sort dans 96 pays - juste à ce moment là, donc je ne sais pas encore vraiment comment le film a été accueilli par le public. C’est lorsque je rentrerai que je pourrai enfin m’en rendre compte.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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