People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 14/11/2018

Rencontre avec Margaux Bonhomme

Au cours d’un échange placé sous le signe de la convivialité, la réalisatrice Margaux Bonhomme nous en a dit plus sur son premier long métrage, Marche ou crève.

Comment l’idée de faire ce premier long métrage est-elle née ?
J’ai toujours eu envie de faire du cinéma. Mais j’ai mis un peu de temps à oser passer l’étape de l’écriture. Au début, j’ai pensé à plusieurs sujets qui me touchent, comme la transsexualité, l’orphelinat. Puis, finalement je me suis dirigée vers un thème que je connais bien. En me disant que ce serait sans doute plus simple car cela me permettait de faire appel à des souvenirs, des choses ressenties, et donc d’être plus juste. Chose qui m’importait énormément. J’ai donc décidé d’évoquer le handicap de ma sœur et de raconter l’histoire d’une famille qui doit composer avec cet enfant. Au niveau de la façon de filmer, j’avais des idées très arrêtées. Je voulais être très proche de mes personnages par exemple, d’où le format 4/3. Venant de la photo, le choix de la pellicule était logique également. Je trouve qu’elle rajoute de l’émotion. 

Pourquoi avez-vous fait le choix de présenter cette histoire à travers le prisme d’un personnage en particulier ?
C’était le dogme de présenter cette histoire à travers le personnage d’Elisa. D’avoir un point de vue unique. De voir ce qu’elle voit, de ressentir ce qu’elle ressent. Je voulais que tout passe par ce prisme. Mon souhait était de traverser son rapport au monde, son conflit de loyauté vis à vis de son père, sa prise de conscience progressive d’une situation qui devient de plus en plus intenable avec cette sœur handicapée. En permettant au spectateur de vraiment pourvoir s’identifier à ce personnage, de se mettre à sa place, cela donne de la force au film.

Le choix de Diane Rouxel pour jouer Elisa était-il évident ?
J’avais déjà vu Diane dans La Tête haute de Emmanuelle Bercot et elle m’avait bien plu. C’est une comédienne vraiment douée. Lorsque je l’ai rencontrée, ça a été comme un cadeau. Ce genre de chose qui arrive dans la vie et qui paraît évident. Diane dégage une douceur, une lumière que je trouve intéressant pour créer une ambiguïté avec cette colère, cette grande violence, qu’Elisa porte en elle. 

Comment avez-vous trouvé Jeanne Cohendy qui incarne cette jeune fille handicapée et qui livre une performance incroyable ?
J’ai longtemps pensé tourner avec une personne réellement handicapée. J’ai donc commencé des recherches, tout en auditionnant en parallèle des comédiennes. Je me suis alors rendue compte que ce ne serait pas possible, car trop compliqué et que j’allais sans doute imposer à cette femme des situation désagréables. Jeanne est alors arrivée à ce moment là et elle dépassait toutes mes attentes. La réalité était mieux que le fantasme. Lorsque je l’ai rencontrée, j’ai vraiment été bluffée. C’était magique. Le fait qu’elle fasse beaucoup de théâtre l’a aidé pour ce rôle. Elle a aussi rencontrée ma sœur, d’autres personnes handicapées et a énormément bossé. Pendant un an et demi, elle a travaillé sa démarche, sa posture, ses mains, son regard, sa voix. Cela a été une longue préparation rigoureuse, sous les conseils avisés de psychomotriciens, d’une professeur de chant et d’une coach. Ce qui est important avec ce genre de personnage c’est de ne pas singer. C’est vraiment l’écueil à éviter. Jeanne n’a pas cherché à imiter et c’est ce qu’il fallait. Elle s’est appropriée le personnage, plutôt que de le copier. Elle l’incarne véritablement.

Comment avez-vous pensé à Cédric Kahn pour jouer le père de ces deux ados ?
C’est Caroline Bonmarchand, ma productrice, qui m’a parlé de Cédric Kahn pour incarner le père. Pour ma part, je le connaissais évidemment en tant que réalisateur - et j’aime beaucoup ce qu’il fait -, mais pas vraiment comme comédien. Lorsque je l’ai rencontré, ça a matché. Nous avions la même vision du personnage et c’était parfait. J’accorde vraiment de l’importance au ressenti des comédiens quant au rôle qu’ils incarnent. 

Le titre est violent. Comment l’avez-vous choisi ?
Le titre est arrivé en cours d’écriture du film. Mes personnages vivent dans un monde dans lequel la devise est celle-ci : marche ou crève. Je dirais même que ce titre est l’aspect le plus politique du film. Car c’est un fait. La société dans laquelle nous vivons nous dit malheureusement ça : marche ou crève.

Avez-vous déjà de nouveaux projets ?
Je suis en pleine écriture de trois projets simultanément. Je ne sais pas lequel se concrétisera. En tout cas, ce sera toujours autour de la famille. De même, il s’agira d’un sujet que je maîtrise car je pense que l’en partant de soi, de son vécu, sans pour autant parler de choses autobiographiques, on trouve davantage l’émotion juste, le bon point de vue.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

A lire également

Marche ou crève
Marche ou crève

Sortie : 05/12/2018

Elisa, une adolescente fougueuse, veut profiter de l’été de ses 17 ans. Mais sa mère quitte la maison et la laisse seule avec son père pour s’occuper de sa sœur handicapée.