People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 29/06/2017

Rencontre avec Robin Campillo

Pour son 3e long métrage comme réalisateur, Robin Campillo livre un film choc sur le combat de militants d’Act Up face au Sida…

Quel a été le point de départ de ce film ?
Plus on me pose la question, plus j’essaie de creuser et finalement, moins je sais comment l’expliquer. En fait le sida et le cinéma sont les deux choses qui ont été les plus importantes dans ma vie. Lorsqu’en 1983, le sida trouve son nom, la maladie me terrorise. La même année, je rentre à l’IDHEC (ndlr : Institut des hautes études cinématographiques). A ce moment, je me rends compte que le cinéma, même celui que j’admire comme la Nouvelle Vague, est jusqu’à présent resté totalement étranger au sida. Très en colère par l’indifférence ambiante dans les années 80, je rejoins donc Act Up en 1992. Puis, dans les années 2000, j’ai alors l’idée de faire un film sur ces gens qui ont été des acteurs dans le combat contre cette épidémie. Car l’image, les représentations qu’on en avait fait ne me plaisait pas. Les militant d’Act Up ont été les premiers à lutter de façon dure et a donné de la visibilité à notre cause. On est passé des gentils gays passifs aux méchants PD.

Est-ce un film autobiographique ?
C’est un film assez proustien car je suis parti de mes souvenirs de débats et d’actions pour créer tout ce que l’on voit à l’écran et en particulier les personnages. Cela étant ces derniers ne sont pas réels  même si certaines personnes de l’époque se reconnaîtront sans doute. Il y a également une part de moi dans plusieurs des militants du film. Mais on est bien dans une fiction. Une fiction qui a surgit d’un bouillon de souvenirs un peu informel.

Pour autant, le film est très réaliste…
Oui car il était important que ce soit crédible mais j’ai écrit sans trop me documenter. Je suis vraiment parti de mes souvenirs. Et après, je me suis renseigné à droite, à gauche, pour vérifier que je ne disais pas de choses erronées. D’ailleurs, je ne trouve pas que les réunions du film soient très naturalistes. Elles ont plutôt un côté très théâtral. On dirait un peu un cerveau en pleine ébullition.

Qu’ont pensé les militants d’Act Up en voyant le film ?
Les militants d’aujourd’hui qui ont vu le film ont été assez remués et ont été très touchés. Quant à ceux que j’ai connus dans les années 90, ils ont trouvé ça fort en général. Après, j’ai un bon ami et militant de l’époque qui a trouvé que j’avais une vision plutôt très sombre de tout cela. Mais ça traduit la profonde colère que j’éprouvais alors.

Comment vous y êtes-vous pris pour composer votre casting ?
C’est déjà hyper compliqué de composer un casting lorsqu’il n’y a que trois personnages alors là cela m’a pris 9 mois. Il fallait qu’il soit représentatif de la diversité qui composait Act Up. Puis il fallait trouver les bonnes personnes mais aussi de s’assurer que cela fonctionnerait bien entre elles. J’ai donc fait faire beaucoup d’essais. Le seul auquel j’ai vite pensé est Nahuel Pérez Biscayart qui interprète Sean car je trouvais qu’il correspondait bien dans son attitude à l’idée que je me faisais de ce militant hyper investi. Le casting est d’autant plus important que je mise tout sur les comédiens dans mes films.

Quel regard portez-vous sur votre Grand Prix du Jury reçu lors du dernier Festival de Cannes ?
Pour moi, les prix c’est assez étrange mais je dois avouer que j’aurais été très déçu de ne pas être sélectionné à Cannes avec ce film car sans cela, il n’aurait pas eu la même visibilité. Sur place, je me suis rendu compte que l’engouement dépassait la communauté LGBT. D’un coup, les gens ont recomposé le puzzle de 30 ans d’épidémie. Et avec l’histoire du PACS puis du mariage pour tous, l’homophobie est réapparue au grand jour ces derniers temps en France. Du coup, je pense que mon film a fait ressortir une mauvaise conscience, d’où cet accueil…

Est-ce un film politique ?
Dans un sens oui mais je ne cherche pas à faire une leçon de politique et à changer le monde. C’est un film qui s’interroge sur l’histoire récente, ce qui est assez rare en France. C’est de la mémoire vive.

Pouvez-vous expliquer la raison de ce titre ?
Le titre fait référence au rythme de la musique house, aux pulsations que la musique procure au cœur. J’ai l’impression d’avoir appris ce terme à l’époque car on le voyait partout dans les boites. D’ailleurs, si on se battait, si on voulait survivre, c’était pour danser, pour baiser. La musique était très importante à l’époque. Elle est indissociable de notre lutte. Ce terme rappelle aussi l’accélération du rythme cardiaque lorsque l’on tombe amoureux ou lorsque l’on part en action et que l’on sait que la police va être là. Enfin, ces initiales rappellent toutes les abréviations un peu barbares en rapport au traitement contre le sida.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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