Le cinquième long-métrage de la cinéaste Valérie Donzelli s’inspire de l’histoire vraie d’un amour passionnel et subversif entre un frère et une sœur au début du XVIIe siècle.
Quel a été le point de départ de ce film ?
Tout a commencé il y a trois ans au moment du montage de mon précédent film Que d’amour ! . A l’occasion de mon anniversaire, on m’a offert le livre racontant cette histoire – le scénario original de Jean Gruault - et je l’ai lu en une heure. Toute de suite, cela m’a paru évident qu’il fallait en faire un film. Et cela tombait bien car je voulais réaliser quelque chose de différent de ce que j’avais fait jusque là. Puis il faut avouer que lire un scénario qui avait été proposé au départ à François Truffaut a également joué.
Traiter d’un sujet aussi risqué que l’inceste ne vous a-t-il pas fait peur ?
Selon moi, ce n’est pas l’inceste qui importe le plus dans cette histoire, c’est la différence et l’amour impossible que je trouve beau. L’amour comme une maladie, une fatalité, une tragédie. Je voulais m’intéresser à cela. Je sais que le sujet est tabou dans le monde entier mais je ne cherche en aucun cas à être dans la provocation.
Comment s’est fait le choix des deux comédiens principaux ?
Le choix de Jérémie Elkaïm (ndlr : tous deux ont déjà collaboré sur La Reine des pommes, La Guerre est déclarée et Main dans la main) s’est évidemment imposé dès le départ pour jouer Julien. La question ne s’est pas posée. Le moteur a été de trouver la comédienne pour interpréter Marguerite car je trouvais que c’était un super rôle que j’aurais adoré jouer. Mais ce n’était pas possible car le personnage était trop jeune pour que je puisse l’incarner. Nous avons donc fait des essais avec huit comédiennes et Anaïs Demoustier est apparue comme une évidence. Elle a quelque chose de solaire, de vivant, de sain, frais et naturel. Elle ne dégage aucune perversité. C’est important car je ne voulais pas que Marguerite paraisse folle et je souhaitais que l’on puisse s’identifier à elle.
Peut-on parler de film historique ?
Non pas vraiment. Je ne voulais pas de reconstitution historique, d’un film classique en costumes. Cela ne m’intéressait pas, ce n’est pas dans mon ADN. J’aime les choses un peu décalées. Je n’ai pas fait un film dans les clous. C’est un film qui désobéit aux règles du cinéma. Le point de départ était de faire un film intemporel comme une sorte de conte. C’est d’ailleurs pour cela que j’ai intégrée des anachronismes, je voulais inventer un univers. Le cinéma n’est pas que dans la rigueur et j’ai voulu m’autoriser quelque chose. En revanche, il fallait que ces effets passent comme une lettre à la poste. Contrairement à Sofia Coppola, je ne suis pas allée jusqu’à mettre des Nike dans la penderie de Marie-Antoinette.
Pour autant, êtes-vous restée fidèle à l’intrigue ?
Oui bien sûr. Même si j’ai pris quelques libertés, l’ensemble, les grandes lignes restent fidèles à la réalité. D’ailleurs, nous avons eu la chance de pouvoir tourner dans le vrai château des Ravalet dans le Cotentin là où l’intrigue s’est réellement déroulée. Les décors sont donc vraiment authentiques et cela confère un côté émouvant.
Mathieu Perrichet
Julien et Marguerite de Ravalet, fils et fille du seigneur de Tourlaville, s’aiment d’un amour tendre depuis leur enfance. Mais en grandissant, leur tendresse se mue en passion dévorante.