En solo derrière la caméra pour la première fois, Fabrice Eboué livre une comédie humaniste qui prône la tolérance interreligieuse. Ramzy Bedia y interprète un savoureux imam.
Comment vous est venue l’idée d’un tel film ?
Fabrice Eboué : Un jour, je suis tombé par hasard sur un clip des prêtres chanteurs, devenus de vraies rockstars et j’ai eu l’envie d’en faire un film. Mais, peu à peu, j’ai senti que je tournais en rond, que ça n’avançait pas comme je le voulais. C’est là que j’ai eu l’idée de pimenter la chose avec un groupe réunissant plutôt un imam, un rabbin et un prêtre. Mais attention, contrairement à ce que l’on pourrait croire, ce n’est pas un film sur la religion. C’est avant tout une histoire d’hommes que tout sépare et que la musique va réunir. C’est un film sur l’être humain. Sur l’amitié et l’amour. Car la vie c’est cela, c’est de trouver un dénominateur commun pour avancer et passer par delà les obstacles.
L’occasion d’aborder le thème du vivre ensemble qui vous est cher…
Fabrice Eboué : Le vivre ensemble m’est cher et en même temps cette notion m’agace un peu car il me semble aujourd’hui galvaudé. Tout le monde se l’approprie et l’utilise à toutes les sauces. Il a un peu perdu de son sens.
Il s’agit de votre premier film seul derrière la caméra, quel a été le déclic ?
Fabrice Eboué : Aujourd’hui, après le succès des deux premiers films co-réalisés avec Thomas Ngijol, j’ai davantage confiance en moi et c’est pourquoi j’ai pu me lancer dans cette aventure vraiment seul. Cette fois-ci, je me suis dit allez j’assume et de tout faire à 100%. En revanche, ce qui est difficile lorsque l’on écrit seul, c’est qu’il n’y a personne pour nous challenger. Du coup, je n’ai pas hésité à lire ce que j’écrivais à certaines personnes car j’avais besoin de critiques. Mais heureusement, tout le monde s’est beaucoup investi. Cela tenait vraiment à tout le monde de faire un bon film car on avait l’impression d’être un peu investi d’une mission avec un tel sujet. Cela m’a soulagé d’un poids et tout c’est super bien passé. Puis, il y a eu une vraie osmose qui s’est faite toute seule. On ne se connaissait pas plus que cela avant le tournage mais il y a eu une vraie ambiance de colonie de vacances sur le plateau.
Ramzy Bedia : On s’est vraiment beaucoup marré. Je n’ai jamais autant ri durant un tournage. C’est véridique.
Avez-vous laissé beaucoup de place à l’improvisation ?
Ramzy Bedia : C’est assez paradoxal car il y a eu pas mal d’impro mais qui était assez travaillée. En fait, quand des vannes nous venaient en tête, on les proposait à Fabrice puisqu’il est l’auteur du film. Et il était toujours très à l’écoute. Mais du coup, nos idées étaient quand même répétées avec que l’on passe sur le plateau.
Fabrice Eboué : En fait, même si le film était plutôt très écrit, j’ai surtout essayé de conserver au maximum la spontanéité des acteurs dans le film car on n’est jamais aussi bons que comme ça. Cela a beaucoup contribué à la qualité du film.
Comment avez-vous pensé à Ramzy pour incarner un imam ?
Fabrice Eboué : Cela fait des années que j’avais envie de travailler avec Ramzy. C’est quelqu’un qui joue à l’instinct, il possède un vrai capital sympathie auprès du public. C’est un grand enfant dans le corps d’un homme d’1,80 mètre. Il est un peu tout ce que je ne suis pas. Puis honnêtement, pour incarner un vrai imam, cela n’aurait pas été crédible, mais un faux il était parfait.
Ramzy, qu’est ce qui vous a séduit dans cette aventure ?
Ramzy Bedia : Alors tout d’abord, je dois dire que je n’aime pas du tout le portrait que Fabrice vient de faire de moi. C’est typiquement le genre de mec que j’aurais envie de taper. Un gamin dans le corps d’un homme d’1,80 mètre… Sinon, outre l’histoire qui m’a parlé car je viens d’une famille musulmane pratiquante et que ce sujet du rapport entre les religions touche tout le monde, j’ai été séduit par mon personnage. Je dois avouer que j’ai été très bien servi avec ce film. Ce type que je joue est très proche de moi dans un sens même si évidemment cela reste un personnage de comédie. Mais Fabrice l’a écrit pour moi, en pensant à moi.
Comment avez-vous pensé à Guillaume de Tonquédec et Jonathan Cohen pour compléter votre trio ?
Fabrice Eboué : J’ai pensé à Guillaume de Tonquédec car il faut bien l’avouer, c’est vraiment un curé aussi dans la vie. Ca paraissait donc évident. Et puis la bonne surprise c’est Jonathan Cohen que l’on n’a pas encore assez vu dans de grands rôles à mon goût. Je l’avais notamment vu dans ses pastilles de Serge le Mytho sur Youtube et je le trouvais très drôle. Au début, j’avais pensé à un rabbin plus âgé mais lorsque j’ai pensé à Jonathan Cohen, j’ai rajeuni le personnage.
Comment cela s’est-il passé au niveau du chant ?
Ramzy Bedia : On a tous pris des cours mais, au final, je suis le seul à ne pas être doublé. Les deux autres ce n’était pas possible…
Fabrice Eboué : C’est totalement faux évidemment. Mais sa doublure, c’est son sosie vocal. Du coup, Ramzy est persuadé que c’est bel et bien lui qui chante. Alors que seul Jonathan Cohen chante réellement à l’écran.
Comment s’y prend t-on lorsque l’on aborde une thématique aussi délicate et clivante, que la religion dans une comédie ?
Fabrice Eboué : On est en France et je veux prouver que l’on peut encore faire des films du style de Rabbi Jacob de nos jours. Le problème, c’est que les artistes ont tendance à se brider eux même et à trouver cela normal. Je ne trouve pas ça bien. Il faut oser. Après, il est sûr que l’on marche parfois sur des œufs. Ainsi, on s’est poser la question de savoir si l’on allait trop loin ou pas. Tout est une question d’équilibre au final. Mais moi je crois aussi dans l’intelligence des spectateurs. Rire ensemble c’est se faire confiance mutuellement. Si pendant 1h30, on peut coexister par le rire, ce sera parfait. Il faut bien comprendre que c’est un film bienveillant. Pour le moment, le contact avec le public est plutôt bon pour le moment. Il y a un vrai engouement, un réel accueil enthousiaste. Dans les salles, tout le monde se marre. Les gens rient de bon cœur et sont contents de pouvoir se lâcher. Mon objectif est de faire rire et si je peux aussi faire réfléchir en même temps, c’est très bien. Après, moi qui vient d’une famille très catho, je ne sais pas comment ils prendront le film lorsqu’ils le verront…
Quel est le genre de cinéma que vous aimez, qui vous influence ?
Fabrice Eboué : J’aime le cinéma qui va loin, celui de Joël Séria, de Marielle. A côté, Coexister est assez familial et gentillet.
Est-on plus libre sur scène qu’au cinéma ?
Fabrice Eboué : On se met moins de limite sur scène car le rapport avec le public n’est pas le même. On noue quelque chose durant un spectacle. Donc je suis bien plus méchant et libre. Au cinéma, on ne peut pas faire quelque chose gratuitement, il faut que cela serve le propos.
Quels sont vos différents projets ?
Fabrice Eboué : J’ai un projet de série pour France 2 tiré d’un livre danois dont j’ai acheté les droits. Le tournage aura lieu l’été prochain. A travers elle, je poserai également un regard un peu critique sur notre société. Sinon, je remonte bientôt sur scène avec un nouveau one man show que je vais rôder à Nantes à La Compagnie du Café Théâtre. Ensuite, à partir de janvier, je le jouerai au Théâtre de la Renaissance à Paris.
Ramzy Bedia : Je joue dans plusieurs films qui sortent bientôt mais je me souviens plus lesquels… Puis, je finis, avec François Desagnat, l’écriture de mon 2e film. Et je commence notamment le tournage du prochain long métrage de Jean-Paul Rouve.
Propos recueillis par Mathieu Perrichet
Un producteur de musique à la dérive décide de monter un groupe constitué d'un rabbin, un curé et un imam afin de leur faire chanter le vivre-ensemble.