Alors qu’un été caniculaire se profile, Pierre Jolivet revient avec un film à la thématique brûlante : le quotidien d’une caserne de pompiers du sud de la France.
Comment l’idée d’aborder un tel sujet vous est venue ?
Le point de départ, le véritable déclencheur a été le feu. Lorsque j’avais 22-23 ans, un incendie qui n’a heureusement fait aucune victime a eu lieu dans le Club Med où j’étais avec mon frère. Pour être honnête, j’ai avant tout trouvé ça beau. Puis, en 2012, un adolescent a mis le feu à 400 hectares dans les Bouches-du-Rhône. Ce fait divers m’a interpellé. Suite à ces deux événements, j’ai cherché à m’informer sur le sujet et à tenter de comprendre les pyromanes. Puis, le feu m’a amené à m’intéresser aux pompiers que j’ai commencé à fréquenter et à interroger. Je me suis ensuite souvenu de deux moments dans ma vie, deux accidents de la route grave, où j’ai eu besoin d’eux. J’ai repensé à ce destin qui met ces hommes et ces femmes en première ligne du malheur et j’ai voulu faire un film là-dessus.
Pourquoi cela a mis autant de temps à se concrétiser ?
Un film, ce sont des bouts de ta vie, des idées qui s’accumulent un peu comme ça et un jour c’est le bon moment.
Votre film semble extrêmement documenté…
Je voulais trouver un équilibre entre faire du cinéma et rester très proche du réel. Il n’était pas question de faire un film de super-héros, d’enjoliver la réalité. Il était important pour moi de faire preuve d’authenticité. Je me suis donc immergé dans leur monde. Les pompiers sont des gens très secrets. Ils ne s’épanchent pas trop sur leurs vies. Mais avec le temps, ils finissent par s’ouvrir et m’ont livré pas mal de choses. Toutes les histoires, les anecdotes dans le film proviennent de choses qui m’ont été racontées par eux. Je souhaitais faire un film dense, qui traite de nombreux sujets mais je ne voulais pas non plus tomber dans l’écueil du catalogue. Par ailleurs, les cinq acteurs principaux étaient en binôme avec de vrais pompiers en permanence. Puis, le capitaine de la caserne où nous avons tourné a validé chaque scène.
Comment avez-vous été accueilli à la caserne ?
A notre arrivée à la caserne, dans laquelle nous sommes restés 7 semaines pour les besoins du tournage, les pompiers nous ont accepté car l’ordre venait d’en haut mais ils nous prenaient pour des petites frappes de Paris. Puis, peu à peu, ils se sont rendus compte que nous n’étions pas que des branleurs finalement et que le monde du cinéma et celui des pompiers pouvaient avoir quelques similitudes et pouvaient s’entendre. Au final, ce tournage a été humainement la plus belle expérience que j’ai eue comme réalisateur.
Comment percevez-vous les pompiers après cette aventure ?
Globalement, ce sont des gens super sympas. Ce qui est intéressant, c’est que les pompiers ne se considèrent pas comme des héros. Pour eux, ils font simplement leur boulot. Ils ne la ramènent jamais. Ils sont très discrets. Dans un sens, ils me font penser aux résistants qui estimaient juste faire leurs devoirs, tout aussi extraordinaires qu’ils soient. Mais ils exercent un métier de passion et les passions dévastent.
Qu’ont pensé les pompiers du film ?
Au départ, ils avaient très peur d’un truc caricatural. Ils sont très jaloux de leur image. Il n’y avait jamais eu de film de cinéma sur eux et ils craignaient les clichés. Finalement, ils ont été rassurés concernant ce piège là. Ils sont très contents que le public puisse découvrir leur vraie vie. Car contrairement à ce que l’on pense, les pompiers ne sont pas tous des apollons et ils ne courent jamais…
Toutefois, l’un des atouts de votre film est son rythme soutenu…
Les pompiers sont inarrêtables. Quand il faut y aller, il n’y a pas d’hésitation. J’ai passé beaucoup de temps avec eux et leur vie est vraiment faite d’up and down. Ce rythme est une drogue. La vie de tous les jours, la routine, ce n’est pas possible pour eux tant ils prennent goût à cette tension, cette effervescence. Le danger, c’est comme un shoot d’adrénaline. Il fallait que j’illustre cela à l’écran.
Comment avez-vous procédé pour choisir votre duo d’acteurs principal ?
J’ai écrit le film en pensant à Roschdy Zem avec qui j’avais déjà travaillé cinq fois. Pour moi, c’était une évidence. En général, j’écris toujours une histoire pour un comédien. Pour Emilie Dequenne, cela a également été le cas mais sans la connaître pour le coup. C’est une actrice qui ne joue pas la comédie, elle vit les choses et j’aime cela car les pompiers ne sont pas dans la mise en scène, la dramaturgie. Hormis les cinq acteurs principaux, tous les autres pompiers que l’on voit à l’écran en sont véritablement.
Pourquoi avoir choisi une petite caserne du sud de la France comme décor ?
Tout d’abord, plusieurs régions n’ont pas voulu accueillir et subventionner le tournage car elles estimaient que nous montrions des aspects pas toujours glorieux des pompiers. Toutefois, je savais que je voulais le sud pour décor car cela me rappelait des souvenirs d’enfance. Pour le reste, je voulais que cela se déroule dans une petite caserne dans laquelle on ressente une sorte de vie de famille et dans un secteur où tout le monde se connaît.
Quelles ont été vos sources d’inspiration ?
L.627 de Bertrand Tavernier est la chronique d’une petite brigade de flics qui a changé la vision du polar en France. Sans artifice et quasiment sans histoire, ça a été un film phare pour moi. Je me suis beaucoup inspiré également du livre À l’épreuve du feu de Frédérique Maggiani. Comme d’habitude, mes références sont aussi à dénicher du côté du western. Enfin, le film Démineurs de Kathryn Bigelow, un des plus grands films d’action qui ait été fait selon moi, m’a un peu servi de modèle.
Propos recueillis par Mathieu Perrichet
Philippe, 45 ans, dirige une caserne dans le Sud de la France. L’été est chaud. Les feux partent de partout, criminels ou pas.