Trois ans après La fille du 14 juillet, Antonin Peretjatko revient avec La loi de la jungle, une comédie d’aventure complètement déjantée parodiant les aberrations de nos administrations.
Comment est né ce projet ?
En fait la Guyane a été plus ou moins le point de départ de ce film. Je voulais parler des normes européennes appliquées hors d’Europe et de l’absurdité de la situation. Ce bout de France, d’Europe, en Amérique du Sud était idéal. Et puis, la jungle permet des allégories intéressantes comme celle du monde moderne et de l’administration notamment. Elle a un côté symbolique qui peut permettre de déclencher un vagabondage de l’imagination.
À quoi a ressemblé la genèse du film ?
Pendant l'écriture j'étais en contact avec les comédiens, je leur proposais mes idées et leur demandais ce qu'ils se sentaient capables de faire ou non. C'est d'ailleurs de Vimala qu'est venue l'idée que Tarzan devait avoir un couteau; elle s'est entraînée au lancer après ça. Il nous a aussi fallu faire des exercices pour nous familiariser avec les araignées et les serpents que les acteurs manipulent dans le film, j'ai tenu à faire tous les exercices avec eux.
Tourner dans la jungle, est-ce compliqué ?
Tourner dans la jungle est bien sûr difficile car il est compliqué d’anticiper l’endroit où mettre la caméra notamment. Le paysage change en permanence et rapidement donc pour le repérage des lieux ce n’est pas évident. Un endroit plein d’arbres peut être devenu une clairière quelques jours plus tard. En plus, il ne faut pas être trop nombreux non plus car cela risque d’altérer le paysage. Mais j’avais envie de tourner dans la jungle en décor naturel. Je ne voulais certainement pas d’une jungle de studio. Je voulais du vrai, de vraies araignées, de la vraie boue, du vrai danger car cela influe sur la manière de tourner et de jouer.
Dans la même veine que votre premier long métrage, La loi de la jungle joue avec l’absurde…
En fait, j’avais envie de pousser le jeu encore plus loin que ce que j’avais fait auparavant. Du coup, je suis parti d’une sorte de frustration suite à La Fille du 14 juillet où j’estimais ne pas être allé au bout des choses. En cela, je voulais notamment un décor plus compliqué qui implique des performances physiques. Ma volonté est de faire des choses un peu différentes dans la manière de filmer et dans les sujets abordés. Et j’ai envie de faire un cinéma ludique, amusant.
Votre film est-il une critique de notre société ?
D’une certaine manière oui. Mais je n’essaie pas de convaincre les gens d’une idée, je leur propose juste un regard sur le monde. Un peu à la manière de Chaplin avec Les Temps Modernes, qui s’inspire de la réalité du monde ouvrier pour proposer un film loufoque, je me suis inspiré de la réalité des normes européennes pour réaliser une comédie absurde. Pour le projet « Guayaneige », je me suis par exemple inspiré d’un véritable pont qui a été construit entre le Brésil et la Guyane réalisé avec les normes européennes qui, finalement, empêchent les véhicules de circuler dessus. La réalité est l’essence du burlesque.
La loi de la jungle est un enchaînement ininterrompu de gags. Est-ce compliqué de réaliser une telle comédie ?
Déjà, la difficulté du film à gags visuels comme celui-ci, c’est qu’il faut que cela serve le film, à savoir les personnages ou le propos lui-même. Mais aussi qu’il y ait une certaine poésie. Sinon, cela l’alourdit et dénature les personnages. Ensuite l’idée est que si tout le monde a le sens de l’humour, tout le monde n’a pas le même donc il s’agit de ratisser large afin de toucher le plus de monde possible. J’ai donc essayé de varier les styles d’humour : le dialogue, le visuel, le burlesque, le comique de répétition… Tout ça est très écrit, très travaillé au final.
Comment avez-vous pensé à Vincent Macaigne et Vimala Pons pour incarner les deux personnages principaux ?
J’avais déjà tourné avec eux à l’occasion de mon premier film La Fille du 14 juillet et cette fois-ci, j’ai vraiment écrit ce long métrage pour eux, en pensant à eux. Certains m'ont reproché l'âge de Vincent Macaigne pour son rôle de stagiaire mais au contraire, il m'était important de montrer que les stagiaires de trente ans sont une réalité; ce statut ressort d'ailleurs d'autant plus avec son âge. C’était tout simplement une évidence que ce soit eux qui incarnent ce duo de choc.
Propos recueillis par Mathieu Perrichet et Florine Le Moine
Marc Châtaigne, stagiaire au Ministère de la Norme, est envoyé en Guyane pour la mise aux normes européennes du chantier GUYANEIGE : première piste de ski indoor d’Amazonie…