People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 07/11/2014

Rencontre avec Bérénice Bejo et Michel Hazanavicius

Fini de rire pour Michel Hazanavicius. Le cinéaste oscarisé pour The Artist change de registre le temps d’un film. Il troque la légèreté et l’humour pour la gravité et l’horreur de la guerre. Bérénice Bejo, elle, est toujours là.

Pourquoi avoir souhaité faire un remake du film de Fred Zinnemann ?
Michel Hazanavicius : J’étais en recherche de films faisable sur ce sujet là. Ce thème m’intéressait mais je ne savais pas de quelle manière en parler. Ce film m’a donc débloqué. Néanmoins, le désir de traiter du conflit tchétchène est né avant de voir le long métrage original de Fred Zinnemann (ndlr : également intitulé The Search en version originale et Les Anges marqués en version française). Et il est important de noter que mon film est très librement inspiré de l’original. Ce n’est pas un remake même si celui-ci a été important dans le processus de fabrication. Dans le film original, il y a deux narrations avec un enfant qui rencontre un soldat américain durant la seconde guerre mondiale et sa mère qui le recherche. De mon côté, j’ai voulu suivre l’itinéraire de quatre personnages différents. En Tchétchénie, on connaît moins l’histoire. Je voulais donc montrer la déshumanisation à travers un jeune soldat russe et l’humanisation avec le petit garçon tout en trouvant un point de convergence.

Pourquoi avoir choisi de traiter du conflit en Tchétchénie ?
Michel Hazanavicius : Le conflit tchétchène est exemplaire par sa nature avec une guerre dans laquelle une armée organisée envahi un territoire sans armée, par sa violence mais aussi sa couverture médiatique. C’est également une guerre qui n’a pas été gagnée par ceux que l’on pourrait considéré comme les gentils alors que je croyais naïvement que c’était la norme.

Le sujet est sensible et vous n’épargnez par le pouvoir russe. Vous n’avez rencontré aucun problème ?
Michel Hazanavicius : Sur le tournage, qui s’est déroulé en Géorgie, je n’ai eu aucune pression de qui que ce soit. Je ne pense pas avoir fait un film caricatural. Ce que je montre est très en dessous de la réalité. Mais, je me doute que ce que cela ne plaira pas aux autorités russes.

Votre film fait écho à l’actualité en Ukraine…
Michel Hazanavicius : Et c’est un hasard. Après, il s’agit d’histoire moderne, d’un passé pas si lointain. Ce n’est pas de l’actu mais cela y fait effectivement écho. D’ailleurs, la guerre en Tchétchénie est sans doute ce qui a marqué le début des velléités du pouvoir russe à reconstruire une grande Russie.

Qu’avez-vous voulu montrer à travers ce film ?
Michel Hazanavicius : J’ai rencontré des gens et fait un gros un travail de recherche. J’ai voulu montrer la réalité d’un conflit assez peu connu finalement et de me concentrer sur l’aspect humain. Le film embrasse plus qu’un article ou qu’un reportage. Les journalistes se contentent des faits, c’est leur travail. La fiction permet d’être plus proche des gens et de créer de l’empathie. Je me suis posé la question de comment montrer l’insupportable en le rendant supportable. En parlant d’un sujet dur, j’ai quand même essayé d’en faire un film populaire.

Quels sont vos films de guerre références ?
Michel Hazanavicius : Pour moi, Voyage au bout de l’enfer et Requiem pour un massacre sont les deux films qui ont su le mieux parler de la guerre.

Bérénice Bejo, vous incarnez une chargée de mission pour l’Union Européenne. Pouvez-vous nous en dire plus sur ce personnage ?
Bérénice Bejo : Mon personnage ne correspond pas à l’occidental typique comme on a l’habitude d’en voir dans les films. Au départ, elle est un peu en retrait mais au gré du film, elle s’affirme. Elle est sur place dans le cadre de son travail mais sa rencontre avec un petit garçon va modifier sa vision du conflit et la toucher plus personnellement. Le personnage devient alors plus humain au fur et à mesure. Elle apparaît plus épanouie et sort plus forte de cette rencontre.

Vous êtes-vous renseignée sur le sujet avant le tournage ?
Bérénice Bejo : Je n’ai pas fait de travail de recherche, je n’ai pas creusé sur le sujet faute de temps, tout d’abord, car j’étais en tournage. Mais aussi, parce que mon personnage découvre la réalité de cette guerre au cours du film. De ce fait, j’étais plus proche d’elle.

Après The Search, à quoi doit s’attendre le public pour la suite ?
Michel Hazanavicius : En sortant de ce film, j’ai très envie de retourner vers la comédie. J’ai déjà des idées et la part belle sera faite à l’humour et la légèreté.

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The Search
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Sortie : 26/11/2014

Le film se passe pendant la seconde guerre de Tchétchénie, en 1999. Il raconte, à échelle humaine, quatre destins que la guerre va amener à se croiser