People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 06/10/2017

Rencontre avec David et Stéphane Foenkinos et Corentin Fila

Les frères Foenkinos - David et Stéphane - reviennent en tandem derrière la caméra avec Jalouse, une comédie grinçante dans laquelle on retrouve le jeune comédien Corentin Fila.

Quel a été le point de départ de ce film ?
Stéphane Foenkinos : Après La Délicatesse, l’élément déclencheur a été l’envie de dresser un autre  portrait de femme. Mais cette fois-ci à un âge critique, au cours d’une période traversée de doutes. Nous voulions mettre en scène une femme au bord de la crise de nerfs qui ne percevrait autour d’elle que le bonheur et la réussite des autres. Un bonheur et une réussite qui lui sautent au visage. Nous souhaitions aussi évoquer la relation mère/fille car c’est un sujet assez peu abordé au cinéma, notamment sous le spectre de la jalousie. Au moment où la beauté et la promesse de l’avenir tendent les bras à votre enfant et que vous vous sentez décliner. Finalement, nous avons élargi le sujet de la jalousie – qui dégage un vrai potentiel comique - à tout l’entourage.

Qualifieriez-vous ce film de comédie ?
David Foenkinos : Il y a l’énergie de la comédie mais lorsqu’on a écrit le scénario, nous pensions davantage à l’aspect dramatique de l’histoire, au malaise, à la souffrance de notre personnage. En fait, cela a consisté à faire des allers-retours permanents entre la comédie et le drame.
Stéphane Foenkinos : Comme spectateur, nous aimons passer d’une émotion à l’autre, et nous avons l’envie de surprendre notre public. Puis, la vie consiste bien souvent en une alternance de rires et de larmes, de périodes heureuses et de moments plus pénibles.
David Foenkinos : En plus, en pensant à Karin Viard pour ce rôle, nous voulions vraiment profiter de sa dimension comique.

Pourquoi avez-vous pensé à Karin Viard ?
David Foenkinos : Nous avons écrit le film en pensant à elle dès le départ. Et lorsque nous lui avons proposé, une fois le scénario achevé, elle a accepté en 24h. Nous avions eu peur qu’elle refuse car le caractère de son personnage est assez extrême mais elle a été très enthousiaste. Elle n’a pas eu peur d’assumer la dimension négative de ce rôle, d’endosser cette image. Elle nous a même encouragé à aller plus loin parfois. Elle s’est vraiment intéressée à cette Nathalie qu’elle incarne, elle était très à l’écoute et s’est investi dans chaque scène.
Stéphane Foenkinos : Elle a considéré qu’incarner ce rôle était un challenge intéressant pour elle. Selon nous, Karin Viard est une actrice almodovarienne.

Comment vous y êtes-vous pris pour écrire cette histoire de femmes ?
Stéphane Foenkinos : Nous avons parlé à des femmes ayant connu ces périodes charnières compliquées. Nous avons également discuté avec des jeunes filles pour comprendre cette relation mère/fille. Après, l’idée n’était pas de se poser comme des sociologues. Ca n’est pas notre place. Nous racontons juste l’histoire particulière de Nathalie, qui peut évidemment faire écho à d’autres personnes.
David Foenkinos : Cela étant, la société fait qu’à 50 ans, c’est compliqué. Donc, cette agression que cette femme éprouve détient évidemment une part de réalité. Il y a du vrai dans le malaise qu’elle ressent.

Justement que pouvez-vous nous dire sur ce malaise qu’éprouve Nathalie ?
David Foenkinos : C’est une forme de déni que vit cette femme. Elle ne pose plus le bon regard sur sa propre vie. La jalousie l’envahit et devient un fardeau. Pour autant, même si elle va très loin, elle garde notre sympathie. On ne voulait pas la laisser sur le carreau mais nous ne voulions pas non plus d’une histoire de rédemption. Ce film est un chemin, une reconquête.
Stéphane Foenkinos : Pour nous, il fallait que Nathalie soit une femme belle et désirable mais qu’elle se saborde elle-même.

Comment avez-vous trouvé Dara Tromboff et Corentin Fila, vos deux jeunes comédiens ?
Stéphane Foenkinos : On avait beaucoup admiré Corentin Fila dans le film Quand on a 17 ans de André Téchiné et cela nous a donné envie de tourner avec lui. Tout simplement. Pour Dara Tombroff qui incarne Mathilde, la fille de Nathalie, cela a été une grande recherche dans toute la France. Nous avons multiplié les castings et rencontré plus de 300 danseuses, puisque nous voulions une jeune fille qui maîtrise parfaitement la danse classique. Par ailleurs, il fallait que celle-ci dégage une véritable beauté, une évanescence dont sa mère puisse être jalouse. En outre, elle devait pouvoir jouer la comédie. Finalement, nous avons trouvé notre bonheur à l’Opéra de Bordeaux. Dara postulait sans trop y croire mais dès que nous l’avons vu, cela a été une évidence. Il s’agit de son premier film et on décèle bien cette fraîcheur si agréable.

Corentin Fila, comment s’est passé ce tournage ?
Corentin Fila : Le tournage a été vraiment génial. David et Stéphane ont une vraie énergie qu’ils transmettent à tout le monde. Même les techniciens se sentent vraiment impliqués. Ils sont dans la bienveillance et communiquent de bonnes ondes. Puis donner la réplique à Karin Viard, cela a été merveilleux, bien qu’impressionnant au début. Enfin, jouer dans une comédie me plaisait car je ne connaissais pas vraiment ce genre en tant qu’acteur et je pense que chaque comédien possède un potentiel comique.

Stéphane et David Foenkinos, comment votre tandem fonctionne t-il sur un plateau ?
David Foenkinos : Les décisions sont prises communément. Mais moi, je suis plus dans la mise en scène et Stéphane est plus avec les acteurs.
Corentin Fila : Stéphane et David sont complémentaires. Ils apportent chacun leur sensibilité. C’est une sorte de monstre à deux têtes, mais un monstre très cool. Et ils vont dans la même direction sur le plateau, ce qui est rassurant.
Stéphane Foenkinos : Le plus important lorsque l’on réalise à deux, c’est vraiment d’avoir une même vision. C’est pourquoi nous travaillons beaucoup en amont pour avoir la même approche sur le plateau. Puis pour chaque prise, nous nous mettons d’accord pour affiner, essayer d’améliorer afin d’obtenir ce que nous voulons.

Pourriez-vous tourner un film l’un sans l’autre ?
Stéphane Foenkinos : Moi je pourrais tourner un film indépendamment. Ce serait faisable oui.
David Foenkinos : Stéphane pourrait pendant que moi j’écris mes livres.
Stéphane Foenkinos : Mais de toute façon, l’idée est quoi qu’il en soit de se retrouver très vite au final.

Quels sont vos goûts cinématographiques ?
David Foenkinos : Nous avons des goûts assez proches. Nous aimons beaucoup le cinéma français des années 70 notamment, mais aussi Woody Allen. Après, il y a quelques variantes. Par exemple, Stéphane aime bien les comédies musicales, tandis que moi pas spécialement.

Quels sont vos différents projets ?
Corentin Fila : J’ai tourné dans un film de Jean-Paul Civeyrac intitulé Mes Provinciales et dans un autre avec Lambert Wilson dans lequel j’incarne un commando de la Marine.
David Foenkinos : Nous avons des idées en têtes mais que nous ne voulons pas trop dévoiler pour le moment. En tout cas, ce qui est sûr c’est que nous avons pris plus de plaisir sur ce film que sur le premier car nous avions le sentiment de maîtriser davantage les choses que l’on voulait. C’était agréable. On trouve cela magique de faire du cinéma donc on prend vraiment plaisir à faire notre métier et nous aimons les comédiens.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 08/11/2017

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