People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 22/06/2017

Rencontre avec Gérard Pautonnier et Arthur Dupont

Pour sa première réalisation, Gérard Pautonnier propose une comédie noire fantasque dans laquelle Arthur Dupont incarne un jeune employé de pompes funèbres.

Quelle est la genèse de ce film ?
Gérard Pautonnier : Tout a commencé, il y a 7 ans, à la lecture du roman L’Etourdissement de Joël Egloff. J’ai adoré l’univers de cet auteur. Je l’ai donc rencontré avec l’idée d’adapter son livre. Mais finalement, le projet s’est avéré trop complexe pour un premier film. Nous en avons donc fait un court-métrage primé dans de nombreux festivals et qui m’a permis de rencontrer notamment Arthur Dupont qui jouait dedans. Puis, nous sommes partis sur un autre de ses bouquins, Edmond Ganglion & Fils, pour réaliser un long métrage.

Qu’est ce qui vous a séduit dans cet autre roman ?
Gérard Pautonnier : J’aime le burlesque lorsque l’on y met de la sincérité et j’ai ressenti cela. L’absurdité des situations et la singularité des personnages m’a plu. Et puis, j’aimais le côté road-movie initiatique avec deux personnages qui offrent deux regards opposés sur la vie et sur la mort.

A quel point votre film est-il fidèle au livre ?
Gérard Pautonnier : Déjà, j’ai voulu conserver l’auteur pour l’écriture du film. Mais si la trame est bien exactement la même que dans le livre, j’ai pris certaines libertés. J’ai par exemple troqué l’été caniculaire du livre pour un hiver sous la neige. Je trouvais que cette saison correspondait à cette espèce de parenthèse où tout semble suspendu entre la vie et la mort. J’ai également voulu quelque chose de plus intemporel encore car cela permet mieux à tout le monde de s’identifier.

L’ambiance un peu western que l’on ressent était-elle volontaire ?
Gérard Pautonnier : Bien sûr. Je voulais d’une rue qui fasse western avec des jeux d’attente et de regards d’un côté à l’autre un peu comme un duel. Les camions que l’on voit sans arrêt passer rapidement peuvent faire également penser à des chevaux au galop. Et la musique se situe entre le chant indien et le blues, ajoutant un côté mystique à l’ambiance.

Pouvez-vous nous expliquer le choix des acteurs ?
Gérard Pautonnier : L’idée d’aller chercher Jean-Pierre Bacri s’est imposée très vite. Il me semblait idéal pour jouer un personnage très touchant qui regarde davantage derrière lui que devant, qui fait un constat sur la vacuité de sa vie. Il apporte de l’humanité à cet homme qu’il interprète. Concernant, Arthur Dupont, cela a également été une évidence, d’autant qu’il devait déjà jouer dans notre entreprise avortée d’adapter L’Etourdissement. Olivier Gourmet est arrivé rapidement après. J’avais besoin de quelqu’un capable d’incarner un patron à la hauteur de Jean-Pierre Bacri, pouvant lui faire face. J’ai vraiment pris plaisir à donner vie à ces personnages via le casting.

Arthur Dupont, qu’est ce qui a donné envie d’embarquer dans cette aventure ?
Arthur Dupont : Dès la lecture du scénario, j’ai senti ce que j’ai vu en découvrant le film la première fois : de la contemplation, de la langueur. On est dans ce flottement entre un départ et une arrivée, un peu à l’image de la vie, entre la naissance et la mort, comme le dit l’un des personnages. J’ai trouvé ça bien écrit, bien ficelé. Puis, cela parle de la mort, un sujet qui nous concerne tous, mais avec beaucoup d’humour ni vulgaire, ni macabre. L’histoire nous fait rire sans nous forcer la main. Les personnages sont sincères. Par ailleurs, le fait que l’auteur soit le dialoguiste du film m’a plu car ses dialogues font mouche, marquent. Tous ces éléments m’ont convaincu de participer à cette aventure.

Les personnages secondaires sont plutôt savoureux…
Gérard Pautonnier : J’aime les galeries de personnages secondaires travaillés autant que les principaux. J’aime leur donner de l’épaisseur, leur laisser le temps d’exister. En cela, j’ai évidemment été influencé par les frères Coen.

En quoi le thème de la mort vous intéressait-il ?
Gérard Pautonnier : Pour moi, c’est avant tout un film sur l’humain, qui apporte des regards différents sur la vie.
Arthur Dupont : Les pompes funèbres c’est le point de départ qui amène chaque personnage à se poser des questions très personnelles et les fait évoluer. Le cœur du film réside entre les personnages.

Qualifieriez vous votre film de comédie ?
Gérard Pautonnier : Quand on va voir le film, on ne sait pas trop à quoi s’attendre et c’est quelque chose qui nous plaît.
Arthur Dupont : Dans une comédie, on pense à quelque chose de coloré surtout. Il y a même des codes couleurs d’ailleurs. Et là, ce n’est pas le cas du tout. On est dans la contemplation, les silences. Au final, on est dans une singularité qui fait rire.

Comment cela s’est passé sur le tournage ?
Arthur Dupont : Il y a l’acteur et l’humain. C’est à dire que cela peut fonctionner au niveau du jeu mais ne pas marcher entre les personnes. Or là, ça a été super. Je connaissais déjà Jean-Pierre Bacri en plus. On a ri, on a partagé…
Gérard Pautonnier : Heureusement que l’ambiance entre nous était bonne car sinon ça a été un tournage très compliqué. On n’a pas eu de neige comme on le voulait, il a fallu changer des plans au dernier moment… Ça a été assez galère.
Arthur Dupont : D’ailleurs, nous avons tous été admiratifs de la ténacité de Gérard. Malgré les soucis, il n’a jamais fait de concessions pour garder l’esprit du film qu’il avait en tête. Dans ce film, on voit vraiment le travail d’un réalisateur.
Gérard Pautonnier : Un réalisateur rate son film à partir du moment où il fait des concessions et les accumule.

Le prochain film sera t-il de nouveau une adaptation ?
Gérard Pautonnier : C’est probable car je vais continuer à travailler avec Joël Egloff c’est certain. Ce serait dommage de s’arrêter là avec l’univers qui est le sien.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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