Comment en êtes-vous arrivé au cinéma ?
J’ai commencé au Sentier avec un pote juif. J’ai alors pris goût à la sape, aux couleurs, aux matières… J’ai ensuite été designer verrier avec ce même ami puis je suis retourné dans la sape. Là, j’ai été embauché par un couturier de chez Lanvin. C’est à ce moment que l’on m’a proposé de réaliser un « film de tendance » et je me suis éclaté. Faire des images, j’adore ça et le ciné expérimental encore plus.
Malgré vos liens familiaux, comment êtes-vous parvenus à vous faire accepter par les Dorkel ?
J’ai été accepté par eux car ils ont aimé ce côté foufou m’ayant poussé à aller les voir, et ils se sont rendus compte que je n’étais pas un gadjo qui s’impose et se sent supérieur. Mais, moi-même, je suis finalement assez étonné d’avoir été accueilli comme cela par eux. Nous étions tellement différents.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’en faire des héros de cinéma ?
Au départ, je les filmais et ne faisais que des courts métrages. Puis, Frédéric Dorkel m’a un jour dit qu’il aimerait que je réalise un vrai film de ciné sur eux. Il voulait que je raconte sa rencontre avec un ange et sa volonté d’arrêter de voler. Pour lui, c’était un témoignage et chez les évangéliques, témoigner est important. C’est comme ça que La BM du Seigneur est née. Après, je n’ai plus eu envie de les lâcher. Pour preuve, après Mange tes morts, j’ai un projet de série télé avec eux et un autre film…
Qu’est ce que le titre Mange tes morts – Tu ne diras point signifie ?
"Mange tes morts", c’est une insulte des gens du voyage sans équivalent chez les gadjos. C’est quelque chose qui ne se dit pas car cela signifie que tu vas renier tes morts, tes ancêtres et donc que tu n’es plus rien. La lignée, c’est fondamental pour eux.
Diriger de tels comédiens, n’était-ce pas difficile ?
Je ne fais pas la différence entre comédiens et vrais gens. J’aime le mélange, ce flottement entre fiction et réalité, lorsque l’on ne sait plus vraiment où l’on est. Le compartimentage me fait chier ! Maintenant, le tournage a bien failli s’arrêter à plusieurs reprises car ce ne sont pas des acteurs dociles et ils peuvent être imprévisibles. Du coup, il fallait qu’avant chaque scène, je leur explique bien l’importance de celle-ci. Mais j’ai eu la chance de pouvoir compter sur Frédéric Dorkel lorsque ça dérapait. Il était très pro et n’hésitait pas à recadrer les autres comme il sait le faire. Il s’est révélé très doué dans la direction d’acteurs. De toute façon, ma définition du cinéma c’est : "Tu t’attaques à une montagne mais la montagne te dépassera toujours".
Les trois Dorkel partent en virée dans le monde des « gadjos » à la recherche d’une cargaison de cuivre.