People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 05/06/2019

Rencontre avec Jean Dujardin et Quentin Dupieux

Avec Quentin Dupieux et Jean Dujardin, la rencontre ne pouvait se faire que dans la légèreté. Et c’est évidemment avec une touche d’absurdité, voire même de nonchalance, que le réalisateur a répondu aux questions sur son nouvel OVNI, baptisé Le Daim. Bottant en touche à plusieurs reprises.

Comment l’idée de réaliser un film sur une veste tueuse s’impose t-elle ?
Quentin Dupieux : On ne sait pas comment naît une idée. Un jour tu as envie de repeindre ta chambre en bleu et tu ne sais pas pourquoi. Ca vient comme ça. Les idées fusent donc la pêche aux idées est compliquée à expliquer. Si ça se trouve, j’ai eu plein d’idées super que j’ai laissé passer et je n’ai retenu que les mauvaises. On fera le bilan dans 15 ans. Mais, tout ça se fait toujours au feeling.

Pourquoi une veste en daim et pas en cuir ? 
Jean Dujardin : Le daim c’est classe. C’est le style.
Quentin Dupieux : Toutes ces questions « pourquoi ? » , je n’arrive pas à y répondre. Il n’y a pas vraiment d’explication. C’est difficile et pas très intéressant de creuser ces thèmes là je trouve. Décrypter les sensations c’est compliqué et ça n’apporte rien. On a tous un rapport aux choses différents. Donc, c’est un film ouvert. Chacun voit ce qu’il veut, où il veut. 

Comment définiriez-vous ce film ?
Quentin Dupieux : C’est une comédie qui mélange les genres. Un film de cinéma qui contient plein de trucs. Il ne s’agit pas d’un film existentialiste comme on peut me le sortir parfois. C’est un film sur la liberté et la folie. C’est du moins ce que je me dis après coup. Car au moment de l’écriture, de la réalisation, je ne pense pas aux thèmes abordés. Ce n’est que quand les journalistes nous interrogent que l’on doit réfléchir et mettre des mots sur ce que l’on a fait. Je ne dirais pas non plus que c’est surréaliste car selon moi c’est un truc d’un autre temps. D’ailleurs, je pense même qu’il s’agit de mon film le plus réaliste. L’histoire d’un mec qui déraille tout simplement.
Jean Dujardin : Avec ce film, ce qui est bien et perturbant, c’est que l’on alterne entre tension et rire. Horreur et comédie. Le spectateur peut donc facilement ne plus savoir quoi penser.

Vos films poussent à chaque fois le concept de l’absurdité assez loin. Quelle est votre limite ?
Quentin Dupieux : Tout ce qui est en bas de la ceinture ne m’intéresse pas. Pour moi, ce n’est pas un sujet. Montrer l’intimité me semble bidon. Je préfère le cérébral.

Comment décririez-vous ce personnage de Georges ?
Jean Dujardin : Il y a quelque chose de très enfantin chez lui. C’est un homme qui sort de la société pour vivre son rêve. Il se met hors cadre et passe en mode régression. Je ne sais pas si il est schizophrène ou s’il est atteint d’autres névroses, chacun peut imaginer ce qu’il veut. Mais ces hommes qui passent la ligne de crête, on peut les retrouver partout. C’est en ça que ce film est réaliste. On est dans du concret. Georges , ça peut être tout le monde. D’ailleurs, je suis souvent interpelé et touché par les gens qui parlent tout seul dans la rue par exemple.

Comment incarne t-on la folie ?
Jean Dujardin : Je ne voulais pas paraphraser la folie, faire de l’actor studio. Georges est un personnage qui lâche tout. Un rêve que nombre d’entre nous avons pu avoir. A partir de là, j’ai cherché à jouer cet homme le plus normalement possible. Pour que cela fonctionne, il est nécessaire que l’on y croit tout de suite. Qu’il soit crédible avant tout.

Brice de Nice,OSS 117Le Retour du HérosI Feel Good… dans tous ces films, vous incarniez déjà des personnages enfantins, en marge des convenances. Qu’est-ce qui vous attire dans ces rôles ?
Jean Dujardin : Le thème de l’enfance doit sans doute me toucher plus qu’un autre. Gosse, je n’étais pas autiste mais un peu isolé. Peut être que cette période m’a marqué plus particulièrement. Ensuite, j’aime injecter de l’enfance pour pardonner mes personnages qui font souvent des choses pas très recommandables. Ca les rend plus attachants. Ce qui est important car l’idée est tout de même qu’ils touchent les spectateurs. 

Qu’est-ce qui vous a séduit à l’idée d’incarner ce personnage ?
Jean Dujardin : C’est toujours l’envie qui guide mes choix. L’envie de vivre des sensations nouvelles. De me prendre de vitesse. De proposer des choses aux spectateurs et à moi-même. Travailler avec quelqu’un qui a de vraies propositions comme Quentin c’est super stimulant. D’autant que le risque ne me fait pas peur dans ce métier. J’ai des craintes dans la vie mais pas comme acteur, donc j’aime oser des choses.

Hormis les personnages en costume ou un peu borderline, pourriez-vous à l’avenir jouer dans une simple comédie familiale ?
Jean Dujardin : Non. Les comédies familiales ne m’attirent pas. J’ai fait le tour de ce sujet avec Un gars, un fille. J’ai vécu toutes les situations possibles déjà et je n’ai pas envie de revivre cela. C’est pour ça que j’aime davantage me tourner vers les personnages en costume et un peu barrés. En fait, je ne veux pas revivre ma vie au cinéma. Là, par exemple, j’aimerais refaire du cheval, avoir une épée. Mes envies sont très enfantines encore une fois. J’ai besoin de vivre des choses, d’être surpris, de m’amuser mais aussi de croire à ce que je fais. Pour The Artist, je m’étais pris au jeu et me prenais vraiment pour un acteur des années 20. 

Comment avez-vous pensé à Jean Dujardin pour incarner ce rôle ?
Quentin Dupieux : J’ai écrit le scénario en ne pensant à personne. Puis, Jean Dujardin m’est venu en tête et on s’est rencontré. Tout de suite, il s’est imposé. Ca m’est apparu comme une certitude et on ne peut pas expliquer une évidence.

Une nouvelle collaboration entre vous deux pourrait-elle être envisageable ?
Quentin Dupieux : Totalement. Maintenant que j’ai pratiqué l’animal, ce serait tout à fait possible que l’on retravaille ensemble. De la même façon que ce serait possible avec tous ceux avec qui j’ai déjà travaillé. Passer un step de plus, explorer d’autres choses, peut être intéressant.

Quels sont vos projets respectifs ?
Quentin Dupieux : Mon prochain film s’intitulera Mandibula. Ce sera l’histoire d’une mouche géante, avec Adèle Exarchopoulos et le Palmashow. 
Jean Dujardin : Pour ma part, le tournage du prochain OSS 117 commencera en novembre. 

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 19/06/2019

Georges, 44 ans, et son blouson, 100% daim, ont un projet.