Avec Les Héritiers, la réalisatrice Marie-Castille Mention-Schaar signe un film tiré d’une expérience réellement vécue par le comédien Ahmed Drame – qui joue ici son propre rôle. Un long métrage plein d’optimisme, touchant et rafraîchissant.
Quelle est la genèse de ce film ?
Ahmed Drame : Quand j’ai voulu raconter cette histoire, j’avais d’abord écrit un scénario dans lequel il était en fait question d’un concours de slam avec une prof de lettres. C’est un sujet que je maitrise et, comme au début du film, je ne savais pas si j’avais la légitimité pour parler de la déportation… Au début, seul, sur un thème aussi lourd et qu’il faut respecter, je ne me sentais pas les épaules. J’avais besoin de quelqu’un pour m’aider. Puis, j’ai rencontré Marie-Castille Mention-Schaar qui m’a interrogé et finalement conseillé de relater la vraie histoire. Je voulais avant tout raconter une belle aventure positive. Ce concours a changé ma vie. Cela a constitué une énorme prise de conscience sur l’histoire, sur notre passé commun en tant que Français. Ca a été fondamental pour moi.
Pourquoi avez-vous contacté Marie-Castille Mention-Schaar ?
Ahmed Drame : C’est le hasard qui m’a poussé à la contacter. Un mois avant, j’avais vu un de ses films qui m’avait plu et j’avais envie d’avoir l’avis d’une professionnelle. Je lui ai donc tout simplement envoyé un mail et elle m’a répondu. Auparavant, j’avais essuyé pas mal de refus de la part de boîtes de production.
Qu’est-ce qui vous a incité à rencontrer ce scénariste en herbe ?
Marie-Castille Mention-Schaar : Dans le premier mail d’Ahmed, il n’y avait que 10 lignes où il racontait l’histoire d’une classe difficile qui avait gagné un concours de lettres grâce à une prof. Ca m’a interpelé et j’ai eu envie de le rencontrer. Nous avons beaucoup parlé et plus je l’écoutais, plus j’avais envie d’en faire quelque chose.
Comment vous y êtes-vous prise pour retranscrire fidèlement à l’écran cette histoire vraie ?
Marie-Castille Mention-Schaar : Ce qui m’intéressait c’était de donner l’impression d’être avec eux, d’être à l’intérieur du groupe et de ne pas juste les regarder. Je ne voulais pas trahir Ahmed. Je me suis beaucoup immergée, j’ai assisté à des cours. Je voulais voir à quoi ressemblait aujourd’hui une classe de seconde à Créteil mais aussi dans d’autres villes de France. Ca m’a beaucoup enseigné sur les comportements des lycéens et des profs. J’ai aussi passé beaucoup de temps avec Madame Anglès, la véritable enseignante. J’ai observé son langage, sa gestuelle… On montre une réalité de l’éducation nationale proche de ce qui existe.
Ariane Ascaride : L’idée originale vient d’Ahmed puis Marie-Castille s’en est emparée et l’a magnifiée en allant dans son sens.
De votre côté, Ariane Ascaride, comment vous êtes-vous approprié le personnage de cette enseignante ?
Ariane Ascaride : Même s’il n’était pas question de l’imiter, j’ai beaucoup parlé avec Madame Anglès. C’est une femme impressionnante et épatante. Il faut rendre hommage à tous ces professeurs. Un rôle comme cela, c’est un super cadeau, une sacrée aventure. Ca n’a été que du plaisir. Et puis, je suis moi-même fille de résistants donc c’était passionnant. Je pense qu’il est primordial de transmettre la mémoire. Ce qui ressort de tout cela, c’est qu’i s’agit d’un film profondément sincère et cela est du à Ahmed, à Marie-Castille et à tous les jeunes acteurs.
Noémie Merlant, vous incarnez une lycéenne au caractère bien trempé. Qu’est ce qui vous a séduite dans cette histoire ?
Noémie Merlant : Déjà, lorsque je suis allée au casting, je ne savais pas pour quel personnage c’était. Mais, ce qui m’a plu, c’est que le film soit écrit par un jeune. Quelqu’un de plus jeune que moi même. J’ai trouvé ça touchant et positif. La lecture du scénario m’a fait du bien. J’ai été au lycée à Rezé et je n’ai pas connu un tel environnement comme celui que décrit Ahmed. Ca m’a offert une ouverture et m’a beaucoup appris humainement.
La scène avec Léon Zygel, un véritable résistant, est forte en émotion. Comme cela s’est-il passé ?
Marie-Castille Mention-Schaar : Je souhaitais absolument qu’il intervienne dans le film comme il l’a fait dans la réalité. Mais il a fallu que j’insiste car au début, il était assez méfiant. Il incarne l’Histoire et cette rencontre a été fondatrice. Avec sa participation, on se sentait investi d’une responsabilité supplémentaire par rapport à d’autres longs métrages.
Ariane Ascaride : On sentait que l’on côtoyait la grande histoire. Pour moi, faire ce film m’a vraiment donné le sentiment de faire mon métier.
Marie-Castille Mention-Schaar : C’est un film de citoyennes et de citoyens.
Pourquoi avez-vous modifié le titre ?
Marie Castille Mention-Schaar : Au départ, le titre devait être La Morale de l’histoire. Il comportait un double sens mais, on s’est dit qu’il pouvait ne pas être très attirant. Donc, on en a cherché un meilleur. Les Héritiers évoque la transmission, la responsabilité… Ca nous a plu.
Et, justement, quelle est la morale de l’histoire ?
Marie-Castille Mention-Schaar : La morale de l’histoire c’est que tout est possible, il n’y a pas de fatalité. On a tendance à dire et répéter pour tout et n’importe quoi que cela va être difficile, compliqué. On préfère parler de ce qui ne va pas et c’est dommage. Il y a une vraie morosité ambiante dans ce pays mais cette histoire montre du positif et que les choses peuvent se concrétiser.
Ariane Ascaride : Les médias évoquent souvent essentiellement le négatif mais il existe plein de bulles où les gens font des choses formidables. Et avec toutes ces bulles, ça va finir par faire Champagne.
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