People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 21/12/2017

Rencontre avec Marc Dugain

Dans l'historique et majestueux cadre de la brasserie La Cigale, le romancier et cinéaste Marc Dugain s’est confié sur son dernier long métrage L’Echange des princesses.

Comment ce film a t-il vu le jour ?
C’est ma femme qui a lu le roman de Chantal Thomas en premier et qui m’a dit que c’était un livre pour moi. J’aime beaucoup l’histoire et en particulier le XVIIIe. Par ailleurs, la problématique des enfants m’intéresse et la cruauté vis-à-vis d’eux dans L’Echange des princesses, tout comme la façon dont ils essayent de s’en sortir, n’est pas sans rappeler mon univers habituel, largement consacré à la manipulation politique. Ces gamins n’existent pas, ils sont niés, on leur laisse pas le temps de l’enfance et ils sont manipulés par des adultes qui eux-mêmes ne sont pas vraiment des adultes. Les jeunes aristocrates princiers étaient élevés dans la grandeur tout en étant maintenus dans un statut assez infantile. Ce qui explique en partie le déclin de la monarchie, que l’on voit déjà agonisante dans le film.

Le thème de la mort est très présent, pourquoi ?
Ce rapport à la précarité a été fondamental dans mon désir de faire ce film. Au XVIIIe siècle, l’omniprésence des épidémies comme la peste induisait un rapport à la vie très particulier. Il était plus probable de mourir avant 35 ans que de vivre jusqu’à 70 ans comme aujourd’hui. J’avais envie de montrer cette terreur devant la prise de conscience que l’on est mortel, étape constitutive de l’enfance. Louis XV est un enfant dont toute la famille a disparu à cause de la variole. Il voit mourir tout le monde autour de lui : son arrière grand-père, son grand-père, son père, sa mère, son frère, etc.

Etes-vous resté très fidèle au livre ?
J’ai écrit le scénario avec Chantal Thomas donc il n’y a pas eu beaucoup de modifications hormis un peu sur la fin. Par ailleurs, le personnage de Louise-Elisabeth est plus romanesque dans le film. C’était une fille émancipée, rebelle, assez moderne mais je n’avais pas envie d’excès. Je voulais la montrer plus responsable et je trouvais intéressant que sa relation avec Don Luis évolue avec raison. Quant aux dialogues, ils étaient déjà dans le livre pour l’essentiel. J’en ai repris une bonne partie. Mais il y a aussi des phrases qui viennent de ma grand-mère alors que l’on pourrait croire qu’elles viennent de la Rochefoucault. C’est le cas de celle-ci : « Ce n’est pas parce que l’on a rien à dire que l’on est obligé de l’exprimer ».

Pourquoi avoir choisi de rester concentré essentiellement sur les principaux protagonistes ?
Je ne voulais pas m’attarder sur le peuple, ni les jacasseries de la cour en arrière fond. Je voulais un film épuré. Lorsque vous faites un film historique, il y a deux solutions. Soit vous filmez la grande histoire avec ses fastes, soit vous filmez de manière plus intimiste. J’ai fait ce second choix car je préférais me concentrer sur les enfants, leurs réactions, leurs émotions. C’est là que réside l’intérêt du film à mes yeux. Il ne s’agissait pas de réaliser une grande fresque sur le XVIIIe siècle.

Vous avez accordé beaucoup d’importance à l’aspect esthétique du film…
En effet, il était important de restituer l’esthétique du XVIIIe siècle. Je voulais vraiment retranscrire à l’écran l’époque telle que je me la représentais. J’ai travaillé avec le chef opérateur sur la lumière en me référant à des tableaux anglais et flamands du XVIIIe siècle. Un en particulier correspondait parfaitement à ce que je recherchais : un tableau d’enfant de Gainsborough. Il y a vraiment eu un travail important sur l’image.

Comment avez-vous procédé pour le casting ?
Le premier acteur qui a rejoint l’aventure a été Lambert Wilson car nous avons, lui et moi, le même agent. Il a été partant tout de suite. C’est un comédien exceptionnel, généreux, d’une puissance qu’il faut parfois canaliser un peu. Dès le début, je savais que c’était lui que je voulais pour incarner Philippe V. Ensuite, nous devions avoir Lily-Rose Depp pour incarner Louise-Elisabeth car elle apportait au film un côté bankable, mais cela s’est avéré compliqué. Du coup, à mon grand ravissement, nous avons fait passer des essais à des jeunes filles et finalement c’est Gilles Porte mon chef opérateur qui m’a parlé d’Anamaria Vartolomei qu’il avait repéré dans L’Idéal de Frédéric Beigbeder. C’est une actrice superbe et très talentueuse. Pour Juliane Lepoureau qui interprète Marie-Victoire, elle s’est présentée au casting au milieu de plein d’enfants et dès que je l’ai vue, j’ai su que c’était elle. Malgré son jeune âge, elle joue avec une grande intelligence et elle toujours contente, jamais fatiguée. Pour Igor Van Dessel, qui incarne Louis XV, on m’avait également parlé de lui. Il tournait alors au Cap Ferret et comme j’habite à Bordeaux, je suis allé le rencontrer. C’est quelqu’un de très photogénique, capable d’une grande concentration et d’une grande compréhension vis-à-vis de son personnage. Enfin, dans le rôle du régent, Olivier Gourmet est arrivé plus tard. C’était une évidence pour moi mais j’ai mis longtemps à oser lui demander de peur qu’il refuse puisqu’il s’agit d’un petit rôle. Mais il a aimé l’histoire et a accepté. Le casting a été finalement été très simple à constituer.

Qu’est-ce qui vous intéresse tant dans les sujets historiques ?
J’aime le côté machine à remonter le temps du cinéma. Nous possédons un patrimoine extraordinaire et je trouve intéressant de le raconter. Le danger à mes yeux, c’est que l’on arrête de transmettre l’Histoire. La façon dont on enseigne à l’école cette matière de manière non chronologique n’est pas la bonne selon moi. En fait, le risque de l’Histoire c’est l’effacement et l’escroquerie. Aussi, je suis content d’avoir fait ce film et jouer mon rôle de passeur.

Avez-vous d’ores et déjà de nouveaux projets sur les rails ?
J’ai beaucoup de projets pour le ciné, la télé, des romans… J’ai vais notamment adapter au cinéma deux de mes livres dont Ils vont tuer Robert Kennedy. J’aimerais aussi refaire un long métrage historique plus tard, sur les guerres de religion sans doute. J’aime l’idée de varier les thématiques, les sujets dans mes films. En termes de droits, c’est plus facile d’adapter mes propres romans mais je préfère adapter ceux des autres. Pour adapter un de mes romans, il faut qu’il y ait un intérêt, quelque chose à créer.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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