People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 02/07/2018

Rencontre avec Marie Monge

Alors que Tahar Rahim devait également être de la partie, c’est en solo que la toute jeune réalisatrice Marie Monge s’est présentée devant nous pour nous parler de son premier long métrage Joueurs. Une entrevue en toute simplicité et convivialité, pour un thriller sombre et efficace.

Comment l’idée de réaliser un film dans l’univers des cercles de jeux vous est-elle venue ?
A la base, c’est un monde que je ne connaissais pas du tout, dont j’ignorais même l’existence. C’est par hasard, en suivant un ami dans un cercle de jeux souterrain que j’ai découvert cet univers qui m’a fasciné. Ce sont les joueurs qui m’ont donné envie d’en faire un film. Ces lieux réunissent toutes sortes de gens très différents en termes de classes sociales, d’âges, d’origine, etc. Tout le monde se mélange, se côtoie dans une espèce de monde parallèle. Et tous partagent la même fièvre du jeu.

Quel point de vue avez-vous souhaité adopter ?
J’ai voulu évoquer ce monde en empruntant le point de vue que je connaissais, à savoir celui de quelqu’un qui découvre un univers qui lui est totalement étranger. Je voulais ainsi raconter les gens d’à côté. Les amoureux, les amis, la famille, qui peuvent partager la quête d’adrénaline des joueurs mais pas leur addiction. Abel est un peu comme une femme fatale. C’est un personnage à la fois doux et vénéneux, qu’on a envie de protéger, de sauver de lui même. D’habitude ce sont souvent les femmes qui jouent ce genre de rôle et l’homme qui va vers elle en pensant être assez fort pour la sauver… L’idée était d’inverser les rôles. Par ailleurs, je trouvais intéressant de faire un parallèle entre l’addiction des joueurs et la passion amoureuse. Les deux se reflètent, se répondent.

Comment avez-vous constitué votre duo d’acteurs principal ?
J’ai eu la chance de pouvoir avoir les deux acteurs que je voulais. Pour Stacy Martin, je l’avais beaucoup aimé dans Nymphomaniacde Lars Von Trier. Concernant le personnage incarné par Tahar Rahim, je voulais quelqu’un capable de se détacher des joueurs que j’avais rencontrés. Il me fallait quelqu’un avec de la gouaille. Tahar Rahim correspondait parfaitement à l’idée que je me faisais de Abel. Tous deux ne se connaissaient pas du tout mais j’avais l’intuition que ça allait fonctionner entre eux. Ils ont mis longtemps avant de se rencontrer en raison de leurs agendas respectifs. Finalement il y a eu un feeling immédiat.

La Ville joue aussi un rôle dans ce film. Pouvez-vous décrire le Paris que vous avez souhaité mettre en scène ?
Le Paris que j’ai filmé est celui que je connais bien. Celui où je vis et que j’aime beaucoup : Strasbourg Saint-Denis, République, etc. Un Paris que l’on voit rarement au cinéma. Un Paris authentique, populaire, métissé, underground, éloigné des cartes postales, avec des gens qui font l’âme des lieux. Comme on avait pu le voir déjà dans Les Derniers Parisiensavec Reda Kateb. En raison de la gentrification, ces endroits disparaissent peu à peu et je le regrette. Je voulais donc montrer cet aspect moins connu. Lui rendre hommage.

L’emballement dramatique était-il un souhait de départ ?
A l’instar des personnages, il fallait que le film embarque et aille jusqu’au bout. Les personnages ont du panache, ils sont flamboyants, mettent de l’intensité partout et sont très destructeurs. Je voulais d’un film comme ça. Qui rappelle l’adrénaline qu’ont les joueurs. Il fallait quelque chose de romanesque. Un film qui raconte la tragédie profonde, cette course effrénée vers la mort. Ce qui me touche dans cette histoire, c’est cette relation amoureuse liée à une dépendance. Ce qui va réunir les deux protagonistes, va les détruire.

Le choix de la musique a t-il été important ?
Tout à fait. La musique du film devait faire écho à l’intériorité de Ella. Je voulais un film intimiste dans lequel les chansons viennent illustrer l’état d’esprit de la jeune femme au fil de l’histoire.

Aviez-vous des références cinématographiques en tête ?
Je connaissais notamment Bob le flambeurde Jean-Pierre Melville et La Baie des Angesde Jacques Demy. Les films américains ayant lieu dans le milieu du jeu sont souvent du côté de l’arnaque. Pour ma part, cette dimension ne m’intéressait pas. C’est vraiment de la dépendance dont je voulais traiter. Sinon, j’ai aussi beaucoup aimé The Gamblerde Karel Reisz. J’ai une cinéphilie très large donc mes références sont multiples. Sans compter qu’il y a toutes celles que les gens décèlent et dont je ne me doutais pas. 

Comment avez-vous vécu votre expérience cannoise ?
Cannes a été une parenthèse magique que l’on a vraiment pu vivre en équipe. On a eu le droit à une standing-ovation. C’était vraiment beau.

Avez-vous d’ores et déjà des projets en tête ?
J’ai plein d’idées, plein d’envies. Mais comme je n’ai pas soufflé depuis un an, je vais commencer par me reposer. Prendre quelques vacances.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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