People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 11/10/2017

Rencontre avec Nawell Madani et Djibril Zonga

L’humoriste Nawell Madani signe un premier long métrage personnel dans lequel le mannequin Djibril Zonga interprète pour sa part son premier rôle au cinéma.

Comment vous est venue l’envie de réaliser votre premier film ?
Nawell Madani : En fait, après avoir écrit le premier jet du scénario, je voyais exactement comment je voulais filmer la danse, le stand-up. Au départ pourtant, je ne voulais pas être derrière la caméra. D’autant que réaliser et jouer en même temps est quelque chose de compliqué. Finalement, je m’y suis collée car je connaissais sur le bout des doigts les milieux dont j’allais parler et je me suis rendue compte que personne ne pouvait en rendre compte comme je le voulais car ils ne les connaissaient pas.

Comédienne et réalisatrice donc, à quel point vous êtes-vous impliquée dans ce film ?
Nawell Madani : J’ai été sur ce film de A à Z. J’ai participé à chaque étape. J’ai été là à l’écriture, au repérage de chaque décor, j’ai été présente pour le choix des costumes, j’ai participer à la recherche des comédiens, j’ai co-réalisé, j’ai joué, j’ai assisté au montage, j’ai été présente au mixage, à l’étalonnage. Je me suis donnée corps et âme.

Peut-on parler de film biographique ?
Nawell Madani : Ce film n’est pas un véritable biopic, même si je parle de milieux que je connais et que j’ai beaucoup pioché dans ma propre vie. En fait, mon véritable parcours est beaucoup plus compliqué que celui dans le film. J’ai carrément plus galérée. Du coup, j’ai édulcoré car je voulais pouvoir alterner le rire et l’émotion. Si j’avais fait un film authentique sur ma vie, cela aurait été moins drôle. Alors que je voulais vraiment faire un feel good movie. La vie que j’ai eue m’a donné le côté battant que je peux avoir aujourd’hui, c’est certain. J’ai souvent été mise de côté pour diverses raisons et c’est à 9 ans que j’ai compris que la scène allait pouvoir m’aider à exister et m’en sortir dans la vie.

Quel message adressez-vous avec ce film ?
Nawell Madani : Rien ne me prédestinait à cette carrière. Avec ce film, j’ai donc eu envie de dire aux jeunes de croire en leurs rêves, de se battre pour ceux là, de ne pas baisser les bras. Il faut tout faire pour vivre ses rêves et les partager. C’est à travers mes parents que je réalise ce que je vis. Ils sont mes moteurs. Je suis consciente des sacrifices qu’ils ont faits pour moi. Plus que le stand-up ou la danse, ce film leur rend hommage. Dans le cinéma francophone en général, j’ai le sentiment que l’on a peur de raconter des success story. Ou alors on parle de gens qui sont morts. Je trouve ça dommage. C’est comme si on ne trouvait pas ça bien. On s’empêche de rêver. Par exemple moi, j’adore un film comme A la recherche du bonheur avec Will Smith.

En revanche, vous n’hésitez pas à être critique avec le monde de l’humour dans lequel vous évoluez…
Nawell Madani : Il n’y a jamais eu de film sur le stand-up en France. Et je trouvais important de montrer la dureté de ce métier. C’est une profession très égocentrique ou chacun veut tirer son épingle du jeu. Ca ne se fait pas de cadeaux, il y a des coups bas pour être le meilleur. Sans compter que c’est encore plus dur en tant que femme. J’avais pas mal en tête le film Lenny de Bof Fosse avec Dustin Hoffman en faisant C’est tout pour moi.

Comment avez-vous pensé à François Berléand ?
Nawell Madani : J’ai été chercher François Berléand car mon père l’adore. C’était donc un clin d’œil. Mais surtout un rêve car c’est un grand homme du cinéma français. Puis, j’avais en tête l’image d’un homme qui fasse un peu nounours grincheux, ce qui lui va très bien. Je voulais un personnage un peu à la manière de celui incarné par Clint Eastwood dans son film Million Dollar Baby. Une sorte de Pygmalion. Chose que François a très bien su incarner à l’écran mais qu’il a aussi été sur le tournage. J’ai trouvé génial qu’il ait accepté de me donner ma chance. Il a vraiment consenti des efforts. C’est quelqu’un de fabuleux.

Qu’en est-il des autres comédiens ?
Nawell Madani : 90% des comédiens sont amateurs. Par exemple, les détenues sont d’anciennes prisonnières ou des femmes en semi-liberté. Le père, chauffeur de taxi dans le film, est un véritable chauffeur de VTC. Je suis allé chercher des rappeurs, des danseuses, des gogo-danseuses, etc. A chaque fois, j’ai fait en sorte de choisir les personnes qui étaient à leur place. Je voulais vraiment que cela sonne juste. En revanche, nous avons tourné en très peu de temps donc cela n’était pas évident car nous ne pouvions pas nous permettre de faire plus de 2 ou 3 prises. Mais ça s’est bien passé au final.

La musique est très présente, en quoi était-ce important pour vous ?
Nawell Madani : C’est vraiment un film musical à l’américaine. La musique y est un personnage à part entière. En fait j’ai grandi avec les films de Spike Lee ou ceux de Luc Besson comme Taxi, dans lesquels la musique suit vraiment le film. Elle n’est pas juste un faire-valoir. Dans ce sens, j’adore les films comme Karate Kid, Flash Dance, Billy Elliott. La bande originale du film constitue 20% de son budget. C’était très important pour moi de parvenir à avoir les artistes que je voulais. Et obtenir les droits pour Michael Jackson ou Beyoncé, c’est compliqué. Du coup, on a mis un an à boucler uniquement le volet musique. Mais celle-ci fait vraiment partie de l’ADN du film donc nous ne pouvions pas faire autrement.

Vous citez beaucoup de films américains, vos influences viennent-elles essentiellement d’outre Atlantique ?
Nawell Madani : Nos références sont plutôt américaines en effet car on a grandi avec ce cinéma et aussi parce qu’on s’y identifie sans doute plus. En effet, les comédiens de couleur sont rares dans le cinéma francophone. Mais on ne se plaint pas. On essaie de faire bouger les choses, on écrit nos propres rôles et on sent que ça commence à porter ses fruits. Nous on cherche à bousculer les codes, mélanger les générations, etc.
Djibril Zonga : En plus, les gens ont envie de voir de nouveaux visages, ils aiment ça et sont en demande. Je suis assez fan d’acteurs comme Al Pacino, Robert de Niro ou Marlon Brando.

Que ressortez-vous de cette nouvelle expérience l’un l’autre ?
Nawell Madani : Qu’écrire des sketchs et un film, ce n’est pas du tout pareil. Pour l’occasion, j’ai du reprendre des cours, participer à des ateliers. J’ai aussi été accompagnée de co-scénaristes car j’avais tendance à un peu trop m’étaler. J’ai beaucoup appris. La scène c’est mon exutoire, j’en ai besoin mais j’ai adoré la réalisation et je sais que maintenant c’est ce que je veux vraiment faire. J’ai attrapé le virus. A l’inverse, je n’ai pas aimé jouer. D’ailleurs, avec cette double casquette que j’avais, sur certaines scènes où je donnais la réplique, j’oubliais de jouer pour regarder les autres comédiens.
Djibril Zonga : L’expérience a été assez compliquée car nous avions peu de temps pour tourner. Puis, pour ma part, je suis arrivé deux semaines après le début du tournage donc il a fallu que je m’immerge rapidement. Enfin, même s’il est assez petit, il s’agissait de mon premier rôle au cinéma donc il y avait forcément un peu de stress. Mais au final, nous sommes très satisfaits du résultat. Nawel a fait du super boulot.

Est-ce le début d’une nouvelle carrière ?
Djibril Zonga : J’espère que c’est une nouvelle carrière qui s’ouvre pour moi. C’est pour cela que je mets d’ailleurs le mannequinat un peu entre parenthèses pour me consacrer avant tout au cinéma. Après ce film, j’ai donc joué dans un court métrage qui s’appelle Les Misérables et qui a fait pas mal de bruit. Il devrait a priori se transformer en long métrage prochainement. J’y joue un des trois premiers rôles. C’est l’histoire de trois flic de la BAC dans le 93 responsables d’une bavure policière et qui vont tout faire pour sauver leur peau. C’est un vrai film d’auteur.

Nawel Madani, du coup avez-vous déjà une idée pour votre prochain film ?
Nawell Madani : Pour mon prochain film, j’aimerais réaliser quelque chose sur l’envers du décor du rap. J’aime explorer des sujets que l’on connaît peu et c’est le cas de ce milieu. Je voudrais montrer comment un jeune rappeur comme Nekfeu ou Orelsan arrive soudain à percer, montrer comment on écrit un hit, etc. Ce sera une immersion totale dans cet univers là.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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