People/Cinema - Posté le 06/09/2017

Rencontre avec Olivier Ayache-Vidal et Pauline Huruguen

Les Grands esprits, le premier long-métrage d’Olivier Ayache-Vidal aborde, sous la forme de la comédie, la question de l’enseignement dans les quartiers dits sensibles. Pauline Huruguen y interprète une jeune professeure investie.

Comment est née l’idée de ce film ?
Olivier Ayache-Vidal : Ce film est une proposition des producteurs qui ont souhaité que je fasse un film sur un prof de lycée bourgeois muté en banlieue. Cette envie leur est venue après avoir vu mon court métrage Welcome to China dans lequel jouait Gad Elmaleh et que j’avais réalisé en 2012. Pour autant, je n’aime pas que l’on dise qu’il s’agit d’un film de commande. Je ne veux pas que l’on pense cela car il y a quelque chose de réducteur là dedans. Ce film est avant tout un choix. J’aurais très bien pu ne pas le faire. Mais j’ai adoré l’idée d’évoquer ce sujet de société, de traiter de l’éducation nationale. Finalement, cette histoire est celle de deux individus qui s’élèvent l’un l’autre. C’est un film positif qui parle du fait de donner le goût d’apprendre. La pédagogie est le nœud de l’intrigue.

Une telle histoire de prof de lycée bourgeois se retrouvant dans un établissement de banlieue, est-ce déjà arrivé dans la réalité ?
Olivier Ayache-Vidal : C’est arrivé. Ce n’est pas si fréquent mais il y quelques cas. J’ai notamment entendu parler d’un professeur normalien qui a passé du temps dans un collège de banlieue volontairement afin de s’enrichir personnellement et professionnellement.

Comment vous y êtes-vous pris pour vous approprier ce sujet ?
Olivier Ayache-Vidal : Quand, en 2013, l’idée de faire ce film m’a été proposée par les producteurs, j’ai commencé à m’informer comme un journaliste, un documentaliste. Je me suis rendu dans plusieurs lycées professionnels dans le 93 et j’ai trouvé cela très calme. Il y avait beaucoup d’absentéisme, mais les élèves présents travaillaient. Au lycée, les choses sont déjà plus apaisées en fait. On m’a alors indiqué que c’était au collège que c’était plus compliqué et que cela se passait. En me rendant dans un établissement à Stains, le collège de la cité du Clos Saint-Lazare, j’ai en effet découvert un lieu beaucoup plus vivant… J’y suis donc resté en observation durant deux ans. J’y allais presque tous les jours, je m’asseyais au fond de la classe, en salle des profs, je suis allé en voyage scolaire à Londres, en classe de neige, j’ai assisté à des conseils de discipline... De la sorte, j’ai pu observer comme je le souhaitais J’ai trouvé cette expérience d’immersion géniale. C’était un vrai retour en arrière.

A t-il été facile de convaincre la direction du collège de tourner dans l’enceinte de celui-ci ?
Olivier Ayache-Vidal : Le principal du collège était nouveau lorsque je m’y suis présenté et il a été séduit par le projet qu’il a trouvé utile. Il pensait que c’était important de montrer la réalité des choses. Ce film est un miroir de ce qu’il se passe vraiment dans ces établissements. Il évoque les problèmes mais pas que. Ainsi, il nous a autorisé à nous immerger dans son établissement et à y tourner. Il nous a vraiment ouvert grand les portes.

L’une des forces de votre film est la crédibilité qui s’en dégage. Comment avez-vous fait ?
Olivier Ayache-Vidal : Comme je l’ai dit, j’ai commencé par beaucoup me renseigner et m’immerger dans ce milieu. Du coup, ce qui est raconté dans le film est véridique. Soit il s’agit de ce que j’ai vécu, observé, soit il s’agit de choses que l’on m’a raconté. Après, j’ai écrit plusieurs scénarios, j’ai construit l’histoire au fur et à mesure. Pour moi, il était primordial que les professionnels de l’éducation s’y retrouvent, que ce soit crédible. Ensuite, la crédibilité vient en grande partie du casting que l’on a fait parmi les élèves des classes de 5e à la 3e que j’avais suivis durant mon immersion dans le collège. Ce sont des enfants que j’ai vu évoluer lors de mes observations. J’ai pu apprendre à les connaître, à voir qui était un meneur, qui était plus timide… C’était important pour tenter de composer cette classe de 4e que j’avais en tête, afin qu’elle tienne la route. Le casting c’est 90% du travail. Et je parle des comédiens, mais aussi de toutes les autres personnes qui gravitent autour du film. C’est d’ailleurs le cas dans n’importe quel projet. Pas qu’au cinéma. Le choix de l’équipe est primordial pour mener à bien un travail.

Pour que le film semble si naturel, réaliste, avez-vous également laissé de la place à l’improvisation ?
Olivier Ayache-Vidal : Le scénario était très écrit. Il n’y a pas eu vraiment de place laissée à l’improvisation. D’autant que nous n’avions pas beaucoup de temps. Seul Denis Podalydès nous a offert quelques tirades dont il a le secret et que l’on a gardées comme lors de la première scène notamment.
Pauline Huruguen : En revanche,  nous avons quand même beaucoup échangé en ce qui concerne les dialogues, la cohérence en préparant le film. D’autant que mon personnage n’est pas facile. C’est quelqu’un de taiseux, pas très bavard. J’avais donc besoin d’en discuter avec Olivier au préalable pour ensuite lui donner vie.
Olivier Ayache-Vidal : C’est vrai. Et en discutant, Pauline a aussi apporté son regard de femme sur cette historie, ce qui était intéressant et enrichissant.

Comment avez-vous pensé à Denis Podalydès pour incarner François Pernault, le rôle principal ?
Olivier Ayache-Vidal : J’ai pensé à Denis Podalydès dès l’écriture du scénario. Lorsqu’on lui a fait parvenir le scénario, il a très vite accepté. Il incarne tellement l’image du prof à mes yeux. Sans doute est-ce du à son parcours que j’ai cette vision. Mais je sais qu’il voulait devenir prof et que sa mère l’était. Toujours est-il qu’il était le comédien idéal. C’est un des plus grands acteurs selon moi. Il est complet, à la fois touchant et drôle. Avec lui, la magie opère. Et c’est quelqu’un d’une simplicité géniale. Puis pour la petite anecdote, il a lui même fait sa prépa à Henri IV.

Qu’est-ce qui vous a séduit chez Pauline Huruguen ?
Olivier Ayache-Vidal : J’ai aimé son naturel, sa justesse. J’ai rencontré quelques comédiennes pour ce rôle mais lorsque j’ai rencontré Pauline, ça a été quasi immédiat. Puis, je ne voulais personne d’identifié, de connu pour incarner les personnages de Stains. Il me fallait des visages neufs. C’était important pour la crédibilité, l’authenticité. Pour ceux de Paris, cela ne me dérangeait pas en revanche.

Pauline Huruguen, vous qui venez du théâtre, comment s’est passé cette première expérience au cinéma ?
Pauline Huruguen : Hormis quelques courts-métrages, il est vrai que je n’avais fait principalement que du théâtre jusqu’à maintenant. C’était donc ma première véritable expérience cinématographique. Je dirai que la principale différence concerne l’aspect technique des choses au niveau du jeu. Mais la réalité du jeu, elle, reste la même. Le plaisir demeure que ce soit du théâtre ou du cinéma.

N’aviez-vous pas d’appréhension ?
Pauline Huruguen : Honnêtement, le tournage a été très simple et accueillant. Le fait que Denis Podalydès vienne du théâtre m’a aussi aidé. On a beaucoup parlé du coup. Et puis nous connaissons les mêmes gens, allons voir les mêmes pièces… Le monde du théâtre est un petit milieu. C’était donc rassurant. Par ailleurs, avec les enfants, c’était génial par ce que comme moi ils débarquaient pour la première fois sur un plateau de cinéma. Et puis avec eux, il n’y a pas de filtre, ça parle direct. Ils sont naturels et cash. Ils ont une humanité touchante et drôle.

L’une des forces de votre film réside également dans son rythme…
Olivier Ayache-Vidal : Il ne faut pas qu’un film soit trop long. Il ne faut pas qu’il y en ait trop, mais il ne faut pas non plus qu’il n’y en ait pas assez. Il faut savoir doser. Il faut du rythme. Je suis assez gêné par l’idée d’ennuyer le spectateur. Donc j’ai tendance à pas mal couper au montage et ça ne me dérange pas du tout. C’est plus pour les comédiens que c’est compliqué. On vient au cinéma pour vivre des émotions, pas pour s’ennuyer.

Avez-vous déjà une idée pour un second film ?
Olivier Ayache-Vidal : Le second film sera une immersion également, une comédie réaliste pointant du doigt une réalité et ses problèmes. Il ne s’agira pas de dénoncer mais de faire un constat d’une situation, un état des lieux. J’ai fait beaucoup de journalisme par le passé et peut être que le fait de creuser un domaine précis vient de là. J’aime chercher, découvrir…

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

A lire également

Les Grands Esprits
Les Grands Esprits

Sortie : 13/09/2017

François, la quarantaine est professeur agrégé de lettres au lycée Henri IV, à Paris. Une suite d’évènements le force à accepter une mutation d’un an dans un collège de banlieue…