People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 02/12/2016

Rencontre avec Sébastien Betbeder et Thomas Blanchard

Le nouveau long métrage du réalisateur Sébastien Betbeder raconte le périple de deux jeunes amis - dont l’un est incarné par Thomas Blanchard - dans un village reculé du Groenland.

Quel a été le point de départ de ce film Le voyage au Groenland ?
Sébastien Betbeder : La naissance de ce film est une longue histoire qui a commencé à la boîte de prod. Nicolas Dubreuil, le frère du producteur s’avère être un explorateur qui vit la moitié de l’année dans le village du Groenland que l’on voit à l’écran. Un jour, il m’a parlé de la venue pour la première fois en France de deux de ses meilleurs amis, Ole et Adam. Deux Inuits. Et il m’a demandé si je pouvais faire quelque chose autour de ce séjour. Mais je ne me voyais pas faire un documentaire et simplement filmer Ole et Adam dans leurs découvertes. J’ai donc pensé à la fiction et décidé d’intégrer des acteurs. Au printemps 2013, j’ai donc écrit rapidement une trame de scénario mettant en scène deux amis comédiens, Thomas Blanchard et Thomas Scimeca. Cette aventure humaine a alors commencé par le tournage d’un moyen métrage à Paris autour de la visite d’Ole et Adam (ndlr : Inupiluk). Puis à la fin, au moment de repartir, tous deux nous ont invité à venir les voir au Groenland. C’est à ce moment que l’idée d’un long métrage sur place a germé et vu le jour.

Les conditions de tournage dans le grand nord devaient être plutôt rudes, comme cela s’est-il passé ?
Sébastien Betbeder : Pour la petite anecdote, afin de se préparer aux conditions de tournage sur place, nous avons notamment testé les caméras dans des congélos chez Picard. Finalement, sur place cela s’est plutôt bien passé malgré un environnement en effet peu évident. Et en fait, l’avantage, c’est que nous avons fait le film avec peu de matériel car une partie de notre cargaison s’est paumée entre les différents avions et l’hélico que nous avons du prendre pour arriver au village. Mais cela correspondait bien avec la façon dont je voulais faire le film. A savoir de manière minimale et radicale.
Thomas Blanchard : Le froid a été une véritable expérience mais on s’y attendait. Le plus troublant a été de se retrouver dans un endroit où l’on est confronté à nous-mêmes, tout en étant face à un condensé d’humanité assez puissant. C’est beau et rude à la fois. La vie de village n’est pas évidente car il y a une promiscuité permanente. Les habitants vivent toujours ensemble. Ils ne peuvent jamais être vraiment seuls. D’autant que l’on ne peut pas se permettre de partir en solitaire sur la banquise car c’est dangereux.
Sébastien Betbeder : Ce qui était dur également, c’était le jour perpétuel. Au début, cela a un côté excitant mais, avec le temps, cela devient oppressant.

Comment avez-vous été accueillis par la population du village ?
Sébastien Betbeder : Nous avons été très bien accueillis par tous les habitants. Ils étaient très généreux, bienveillants. Nous étions même très attendus depuis le retour d’Ole et Adam. Dès notre arrivé, nous avons parlé avec eux. Nous leur avons expliqué que nous souhaitions nous intégrer à leur communauté le temps du tournage et ne rien leur imposer.

Le film, même s’il s’agit d’une fiction, n’est pas loin du documentaire et les Inuits jouent leurs propres rôles. A ce titre, avez-vous laissé beaucoup de place à l’improvisation ?
Sébastien Betbeder : En fait, nous avions beaucoup parlé avec Nicolas Dubreuil avant de partir afin de préparer au mieux les choses en amont et que l’on soit clair dès le départ avec les habitants. Du coup, c’était un scénario extrêmement écrit. On savait vraiment ce que l’on voulait, la finalité de chaque scène. Puis, sur place, il y a eu un travail de seconde écriture sur le plateau afin de s’adapter mais pas d’improvisation. Concernant les Inuits, même si chacun d’entre eux joue son propre rôle dans le film, ils se sont énormément impliqués et c’était génial.

Thomas Blanchard, qu’est ce qui vous a donné l’envie de participer à ce film ?
Thomas Blanchard : Mon goût pour le cinéma d’auteur et mon attirance pour les films moins polissés, moins sages pour commencer. Et puis je connaissais déjà Sebastien Betbeder et je sais que ces films, malgré qu’ils soient très écrits, offrent une liberté de jeu importante pas si fréquente et c’est chouette. Enfin, avec Thomas Scimeca, on se connaît depuis l’école de théâtre donc même si l’on n’avait jamais tourné ensemble, nous n’étions pas du tout des inconnus. Dans la vie, nous nous entendons très bien, nous avons pas mal de goûts et d’amis en commun… Cela facilitait les choses pour cette histoire d’amitié que l’on voit dans le film.

Vous reconnaissez-vous dans le personnage que vous incarnez ?
Thomas Blanchard : Il y a forcément un peu de moi dans le personnage ne serait-ce que par son prénom et son métier de comédien. Ensuite, Sébastien Betbeder a écrit ce film en pensant à nous et en nous connaissant bien. Donc on retrouve des traits de caractère qui nous sont propres c’est certain mais ce n’est pas mon double pour autant.

Votre film alterne des scènes drôles et d’autres moins légères, était-ce une volonté dès le départ ?
Sébastien Betbeder : Ce qui me plait dans le cinéma comme dans la littérature, c’est de mélanger la comédie et le drame. Je voulais faire une comédie tout en parlant sérieusement de l’amitié et du rapport un peu compliqué entre un père et un fils. Dès le départ, l’idée d’une comédie qui glisse vers quelque chose de plus profond était donc en effet présente. Pour moi, Funny People de Judd Appatow est un exemple dans le genre de la dramedy, qui fait coexister drame et comédie. En France, cela se fait peu car nous sommes envahis de comédies populaires, dans le mauvais sens du terme, sans véritable profondeur. Et c’est bien dommage.

Néanmoins, certains réalisateurs de votre génération semblent vouloir proposer des choses nouvelles justement…
Sébastien Betbeder : C’est vrai que nous sommes quelques réalisateurs français, comme Antonin Peretjatko par exemple, qui souhaitons faire un cinéma moins académique, un peu différent. Et il y a sans doute quelque chose de générationnel là-dedans en effet puisque ceux que l’on retrouve dans cette mouvance ont tous à peu près le même âge.

Quels sont vos projets ?
Thomas Blanchard : Pour ma part, j’ai tourné un film en Belgique cet été qui est actuellement en montage.
Sébastien Betbeder : Je viens de finir l’écriture du prochain film. Il s’agira encore d’une comédie qui tire encore un peu plus sur le drame. J’écris vite, cela fait partie de ma vie. Et quand je n’ai pas de projet, je m’ennuie.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

A lire également

Le voyage au Groenland
Le voyage au Groenland

Sortie : 30/11/2016

Thomas et Thomas sont trentenaires, parisiens et comédiens... Un jour, ils décident de s'envoler pour Kullorsuaq, l'un des villages les plus reculés du Groenland où vit le père de l'un d'eux.