Après avoir fini d'exploiter la Terre, ce qui reste de la population humaine lance plusieurs vaisseaux dans l'espace pour transporter des colons vers leur nouvelle maison : Mars. Un de ces vaisseaux s'appelle Aniara. L'engin, qui ressemble à un immense centre commercial, offre tous les services nécessaires à satisfaire une société profondément consumériste et destructrice. Tout semble bien se passer jusqu'à ce qu'un accident le fasse dévier de sa trajectoire.
Bande Annonce : https://www.youtube.com/watch?v=YOnP-9m05_k
L’ère du vide
En adaptant un poème éponyme de 1956 du poète et Prix Nobel Harry Martinson, le duo Pella Kagerman et Hugo Lilja place la barre très haut, fort d’une collaboration de dix ans de courts-métrages ayant écumé les festivals. D’autant que le récit est d’une ambition métaphysique totale : la population de la Terre, rendue quasi-inhabitable, est contrainte d’embarquer dans d’immenses vaisseaux-ville (nos paquebots de croisière puissance mille) pour un voyage de 23 jours en direction de Mars, l’eldorado. L’Aniara, le vaisseau sur lequel travaille notre héroïne, responsable de Mima, une intelligence artificielle qui permet aux passagers de s'offrir un shoot d’évasion mentale sur Terre, à l’époque où celle-ci était féconde, subit une soudaine avarie qui le propulse hors de sa trajectoire, sans carburant, livré à lui-même dans le froid intersidéral. Objectif : croiser au plus tôt (mais ça se compte en années !) un astre autour duquel se relancer en sens inverse. Et force est de constater que l’homo-consumericus, livré à la vacuité totale de son existence, sans pouvoir ni espoir, ne va pas garder la tête froide très longtemps… Chapitré en temps qui passe, chaque ellipse étant littéralement sidérante, Aniara use du microcosme (les lieux du vaisseau sont similaires aux espaces connus sur Terre – restaurants, centres commerciaux, chambres, amphithéâtre...) pour déployer un propos sociologique plus général sur la quête de sens face à notre propre finitude : au fil des années, chacun cherche la transcendance dans le consumérisme, la religion de bazar, l’enfantement ou la transmission, tous ces possibles étant vécus, sans jamais moraliser, comme une béquille qui, immanquablement, finit par se rompre. Violent et dérangeant, Aniara œuvre à une prise de conscience immédiate (la métaphore de notre aveuglement quotidien est évidente), en faisant expérimenter au spectateur un miroir à peine déformant et (quel final !) une expérience prémonitoire de l’anéantissement.
Jean-Marc Vigouroux
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Hors Compétition au 37ème Festival du Film Fantastique de Bruxelles (BIFFF)
Remerciements : Jonathan Lenaerts et toute l’équipe presse du BIFFF.