People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 05/06/2018

Rencontre avec Emily Atef et Marie Bäumer

Dans une ambiance des plus conviviale, la réalisatrice Emily Atef et la comédienne Marie Bäumer sont venues parler de leur film 3 Jours à Quiberon.

De quelle façon l’idée de ce film vous est venue ?
Emily Atef : L’idée du film vient du producteur Denis Poncet (ndlr : décédé en 2014) qui était un ami de Marie Bäumer. Il avait très envie de réaliser un long métrage avec elle sur Romy Schneider. Mais Marie a toujours refusé de tourner dans un biopic sur cette comédienne, tant elle représente une institution à laquelle elle ne voulait pas toucher. Alors même qu’elle croule sous les propositions de réalisateurs depuis des années. C’est pourquoi il a eu l’idée de se concentrer uniquement sur un bout de sa vie, après avoir découvert les clichés du photographe Robert Lebeck prises durant un entretien journalistique au long cours à Quiberon. C’est comme cela que tout a commencé.

Comment vous y êtes-vous prise pour transposer cet épisode de sa vie à l’écran ? Sur quoi vous êtes-vous appuyée ?
Emily Atef : Je me suis basée essentiellement sur l’interview parue à l’époque dans le magazine allemand Stern, issue justement de ce séjour à Quiberon. J’avais aussi fait beaucoup de recherches et vu de nombreuses photos. Hormis cela, je me suis sentie très libre. La seule chose dont je n’avais pas le droit était d’être dans la diffamation. Je voulais surtout retrouver l’atmosphère de ces trois jours.

Qualifieriez-vous tout de même ce film de biopic ?
Emily Atef : A mes yeux, le scénario raconte avant tout l’histoire non pas d’une star mais d’une femme qui s’appelle Romy. L’envie était de la montrer comme un être humain. Ce n’est pas l’icône, la comédienne, qui nous intéressait réellement. Si pour Marie, Romy est un mythe, pour moi il s’agit juste d’une personne lambda qui essaie de s’en sortir. D’ailleurs, nul besoin de connaître Romy Schneider pour voir et apprécier le film. 
Marie Bäumer : C’est un zoom sur la fin de la vie de Romy Schneider, qui permet de faire une description de l’état d’une femme qui pourrait être n’importe quelle femme. Ca a été notre approche. Mais, de mon côté, jusqu'à la fin du film, j’avais peur de ne pas trouver la femme derrière l’icône. J’ai tellement de respect pour elle. Et je me suis rendue compte à quel point Romy Schneider est intouchable en France. Du coup, j’étais d’autant plus intimidée. Toutefois, il ne fallait pas tomber dans le piège de l’imitation. En cela, Emily m’a aidé à prendre du recul, de la distance. 

Sans parler d’imitation, votre ressemblance avec cette actrice est troublante…
Marie Bäumer : On a commencé à me proposer d’incarner Romy Schneider alors que je n’avais que 27 ans. J’ai eu un tas de propositions de différents réalisateurs. Toutefois, ça ne m’intéressait pas du tout de m’attaquer à une telle figure. Pour moi c’était inenvisageable tant il s’agit d’une icône incontournable. D’autant que le format du biopic ne m’enthousiasme pas. Mais avec Emilie, nous avions la même perception, la même envie de faire un film qui évite cet écueil. Il était important de trouver la bonne façon de s’approcher de la femme, et non de la star. Au final, on a tellement bien travaillé ensemble que ça a été un véritable cadeau. On s’est vraiment bien entendu. Et tout le monde a été soulagé qu’enfin j’endosse ce rôle.

Comment vous êtes-vous mise dans la peau de Romy Schneider ?
Marie Bäumer : Les films sont des rôles, donc cela ne servait à rien de m’y attarder. En revanche, j’ai regardé beaucoup d’interviews qui m’ont été très utiles. Elles m’ont permis de voir comment elle respirait, elle fumait, de cerner sa diction, son accent issue de la vieille bourgeoisie. Romy Schneider était quelqu’un de très tonique, énergique, physique. C’est très beau et intéressant à reproduire par le jeu pour une actrice.
Emily Atef : On a aussi beaucoup discuté en amont du tournage. Ensuite, sur le plateau nous n’avons plus parlé de Romy.

Le journaliste qui a inspiré celui qui mène cette interview, assez abrupte, de Romy Schneider dans le film, l’a t-il vu ?
Emily Atef : Oui. En fait, quand il a lu le scénario, il a été choqué. Puis lorsqu’il a vu le film en séance privée, il ne s’est pas trouvé sympathique du tout. Il a même été très ému. Ce qui l’a touché c’est qu’il est le seul protagoniste de cette histoire encore vivant et qu’il apparaît comme un connard. Pourtant, à l’époque, lui était fier de son entretien. Il n’avait pas pensé être aussi antipathique et brutal. Cela étant, il faut bien retenir qu’il s’agit d’un film basé sur des faits réels, mais 3 Jours à Quiberonest malgré tout et avant tout une fiction. J’ai, à dessein, rendu ce personnage plus rude qu’il ne l’était en réalité, je voulais qu’il apparaisse comme un vrai antagoniste. J’ai donc bien expliqué au véritable journaliste mon intention. Au final, il a accepté et aujourd’hui, il défend lui-même le film. Le fait qu’il ne soit pas mélo lui plait. Il trouve également Marie Bäumer incroyable. 

Etait-il important pour vous de ne pas montrer Romy Schneider comme une vaincue, un personnage totalement tragique ?
Emily Atef : Tous mes films parlent de femmes en pleine crise existentielle. Mais j’ai tout de même besoin de lumière, même de façon très subtile. Je ne peux pas finir dans le noir. Ca ne m’intéresse pas. Je ne voulais donc pas terminer le film trois mois plus tard par exemple, au moment de la mort de son fils. Il fallait trouver un brin de lumière et c’est Robert Lebeck qui m’a apporté cette scène finale via ses photos où elle apparaît heureuse en famille. Il fallait que l’épilogue soit positif. Je me foutais de la suite.
Marie Bäumer : J’adore cette fin. Car le risque est souvent de vouloir tout décrire, tout expliquer. Moi je dis qu’il faut laisser de la place à l’imagination du spectateur.
Emily Atef : Dans tous les cas, on a essayé de faire un film dans le plus grand respect de Romy Schneider, tout en proposant une œuvre d’art, une fiction.

Comment le film a t-il été accueilli en Allemagne ?
Emily Atef : Le film est sorti en Allemagne mi avril et a atteint pour le moment les 250 000 entrées. Ce qui est énorme pour un pays qui n’est pas particulièrement cinéphile. Et notamment pour un film pointu comme celui-ci. Après, il est clair que Romy Schneider est ancrée dans les mémoires. Il y a un grand amour pour elle. Même si c’est moins vrai qu’en France. Par ailleurs, le film a beau faire une critique assez acerbe de la presse allemande, les journalistes se sont montrés élogieux dans l’ensemble. 

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 13/06/2018

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