People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 27/03/2019

Rencontre avec Cédric Le Gallo, Nicolas Gob, Romain Lancry, Félix Martinez et Romain Brau

Dans un esprit de franche camaraderie, le réalisateur Cédric Le Gallo et quelques uns de ses comédiens, Nicolas Gob, Romain Brau, Félix Martinez et Romain Lancry, ont un peu décortiqué pour nous les dessous de leur comédie queer Les Crevettes pailletées.

Quelle est la genèse de ce film ?
Cédric Le Gallo : J’avais réalisé auparavant une série pour Canal +, Scènes de culte, et j’avais pris énormément de plaisir à être derrière la caméra. Très vite, j’ai donc eu envie de passer au format long métrage. J’ai alors eu l’idée de raconter cette histoire des crevettes, une équipe de water polo gay. Mon histoire. Elle me permettait de mettre en scène des personnages hauts en couleur, qui aiment faire la fête, des chorégraphies, etc. Je trouvais qu’il y avait là un potentiel visuel et cinématographique vraiment intéressant. Par ailleurs, à travers ce film, j’avais le désir de véhiculer des messages d’amitié, de liberté, de tolérance, etc. Au final, par bonheur, des producteurs ont bien voulu me suivre dans cette aventure et on a pu lancer la machine. 

Vous êtes donc parti de votre propre vie, à quel point êtes-vous resté fidèle à la réalité ?
Cédric Le Gallo : Nous sommes partis de la réalité mais nous avons injecté de la fiction dans l’histoire originale. C’était nécessaire pour faire un film de cinéma, sinon nous aurions fait un docu. Toutefois, il était absolument primordial que les vraies crevettes ne se sentent pas trahies par le film. Qu’elles se reconnaissent. Lorsqu’elles l’ont vu à l’Alpes d’Huez, elles ont adoré. Elles sont ressorties de la salle avec un grand sourire et les larmes aux yeux. Ensuite, elles ont retourné la station. Je ne sais pas si on sera réinvité du coup.

A travers vos personnages plutôt exubérants, ne craignez-vous pas que l’on vous accuse de caricaturer les choses ?
Romain Lancry : Pour être honnête, il nous a parfois été reproché d’être un peu too much, trop excentrique dans le film, mais il faut bien retenir une chose : nous parlons là d’une vraie équipe de water polo gay et en aucun cas de tous les gays. Et il s’avère que cette équipe est totalement comme ça, et même bien plus délurée dans la réalité. Nous ne sommes pas du tout dans l’exagération.
Cédric Le Gallo : Quand certains disent que c’est excessif, je réponds que c’est sincère et qu’il s’agit de la véritable histoire. C’est la réalité. Ce que j’ai vécu et ce que je vis encore.
Romain Lancry : Ce film est crédible car le réalisateur est sincère. Il a toute la légitimité de parler de cela puisqu’il s’agit de ce qu’il a vécu. Les choses auraient été différentes, plus délicates sans doute, si quelqu’un d’autres s’était emparé de cette histoire. 
Félix Martinez : D’ailleurs, la vraie équipe des crevettes est extrêmement extravagante, à tel point que Maxime Govare a même un peu joué un rôle de modérateur pour que le public y croit et ne pense pas que l’on en faisait trop, que l’on en avait rajouté. C’est pour vous dire.

Comment avez-vous confectionné votre casting ?
Cédric Le Gallo : Pour commencer, nous voulions de la mixité sexuelle, mais aussi raciale. C’est pour ça que nous avons un black dans l’équipe. Nous voulions aussi un asiatique. A la base, nous avions pensé prendre un Thaïlandais pour jouer Fred. Mais ça n’a pas pu se faire et nous avons trouvé Romain Brau qui est parfait. Après, ce ne sont pas des personnages que l’on a l’habitude de voir au cinéma. Par exemple, pour incarner Matthias, notre coach et champion de natation, il nous fallait quelqu’un avec un physique et qui sache aussi jouer la comédie. Pour Fred, nous voulions un trans encore en transition qui crée une ambiguïté. Il a vraiment fallu dénicher les bonnes personnes car ces profils atypiques ne courent pas les agences d’acteurs. Au final, nous sommes ravis du casting que nous avons réuni et qui marche super bien à l’écran.

Justement, cela a t-il été facile de créer cet esprit de groupe que l’on voit à l’écran ?
Cédric Le Gallo : Au départ, ce n’était pas si évident. Tout sauf gagné d’avance même car, en plus de mélanger des comédiens gays et hétéros, nous avons réuni des profils bien différents, venant d’horizons variés, avec des expériences plus ou moins importantes du cinéma. Il a donc fallu créer une osmose, des liens. Que chacun s’apprivoise. 
Félix Martinez : Au final, on a vraiment su créer une vraie équipe car, malgré quelques engueulades tout à fait normales, on s’est tous très bien entendus. On était comme une famille pendant le tournage.
Romain Brau :C’est clair qu’une fois que l’on s’est apprivoisé, ça a été super. On a même été pas mal dissipés. Je crois qu’on peut le dire.
Félix Martinez : En raison de notre petit budget, ça a été un petit tournage et ça a pas mal aidé sans doute a créée une bonne entente.

Qu’est ce qui vous a donné envie de participer à ce film ?
Félix Martinez : Déjà j’aimais beaucoup le rôle qui m’a été attribué. En plus, pour une fois il s’agit d’un film qui parle d’homosexualité de façon légère. Il ne part pas du fait qu’il s’agit d’un problème dans la vie. Cela me plaisait.
Romain Brau : Moi ce qui m’a tout de suite plu dans ce projet, c’est que l’on me proposait tout simplement d’être moi-même à l’écran.
Romain Lancry : C’est la première comédie en France depuis Pédale douce qui évoque l’homosexualité de la sorte. Ce sont des héros positifs que l’on voit à l’écran. Alors que d’habitude, les aspects négatifs sont davantage mis en avant, présentant les homosexuels comme des victimes…
Cédric Le Gallo : Pouvoir s’identifier à des héros positifs est super important pour un jeune gay.
Félix Martinez : J’ai l’espoir que ce film, qui montre en fait simplement une bande de potes, puisse permettre de banaliser l’homosexualité. D’autant qu’à travers lui, nous parlons de valeurs universelles telles que l’égalité, l’amitié, la liberté, etc. L’homosexualité n’est ici que secondaire. Ce n’est pas un film communautariste, mais qui s’adresse au grand public.

Tout était-il très écrit ou avez-vous laissé un peu de place à l’impro ?
Nicolas Gob : C’était très écrit et très bien écrit. Donc il n’y a pas eu beaucoup d’impro. Ce n’était pas vraiment nécessaire. Cela étant, Cédric n’était pas un tyran et n’était absolument pas contre l’idée que l’on fasse des propositions.
Félix Martinez : Nous avions le droit de proposer des choses tant que c’était efficace.

Quel a été le meilleur moment du tournage ?
Cédric Le Gallo : Il y en a eu beaucoup mais je pense que pour nous tous, le plus intense a certainement été la scène d’ouverture des Gay Games que nous avons tourné lors de la véritable cérémonie d’ouverture à Paris l’an dernier. Ca a été un moment incroyable d’être au milieu de tous ces gens. Ce qui était étonnant aussi c’était de voir des délégations énormes comme l’allemande ou l’américaine. Alors qu’il n’y avait qu’un athlète pour l’Egypte. Cela montrait à la fois le courage de cet homme, mais également la réalité des choses dans le monde. Nul part le combat n’est gagné, mais dans certains pays encore plus que d’autres.

Quelles sont vos influences ?
Cédric Le Gallo : J’ai beaucoup été influencé par le film Pride, avec ce principe de deux univers qui ne se connaissent pas et vont justement apprendre à se connaître. Avec également un road trip et des personnages archétypaux. J’avais aussi en tête Little Miss Sunshine. De toute façon, nous avions la volonté de faire un film à l’anglo-saxonne, en n’hésitant pas à être outrancier, voire parfois vulgaire, tout en passant par plein d’émotions et en brassant plein de sujets. Le côté Priscilla folle du désertdont on nous parle à chaque fois s’explique par le fait que ce film nous a tous imprégné. C’est dans notre ADN.

Saviez-vous lors de votre tournage qu’un autre film parlant d’une bande de potes et se passant dans une piscine se faisait ?
Cédric Le Gallo : Lorsque j’ai commencé l’écriture du scénario, je n’avais aucune idée que Le Grand Bain allait se faire. Je ne crois même pas que Gilles Lellouche en avait lui-même l’idée. Puis nous avons eu vent du tournage au moment du casting. Comme Canal + finance les deux films et que Le Grand Bain bénéficie d’un plus gros budget, il nous a été demandé de décaler la sortie des Crevette pailletées d’un an. Après, ce sont deux films qui sont très différents malgré tout. Nous ne parlons pas de la même chose et les personnages n’ont rien à voir. Mais si on peut surfer sur le succès du Grand Bain, nous en serions ravis.

Vos futurs projets traiteront-ils forcément d’homosexualité ?
Cédric Le Gallo : Je pense que l’homosexualité sera toujours présente car c’est quelque chose en moi, qui fait partie de moi, quelque chose que je connais.
Romain Lancry : Après, comme le rappelait Félix plus tôt, il ne faut pas oublier que dans ce film, on ne traite pas d’homosexualité à proprement parlé mais d’amitié et de tolérance avant tout. Ce sont les deux thèmes centraux. 
Nicolas Gob : Moi, j’aime bien l’idée de dire qu’il s’agit d’un récit initiatique. Celui de mon personnage d’abord, qui au côté de cette équipe va grandir, regarder les choses d’un nouvel œil. Je pense que, sans parler d’homophobie, le public s’identifie facilement à lui. 
Félix Martinez : Ce qui est bien c’est que chaque personnage a sa propre évolution au final. 

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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