People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 24/05/2016

Rencontre avec Denis Imbert, Victoria Bedos et Olivier Urvoy de Closmadeuc

Vicky, le premier long métrage du cinéaste Denis Imbert, raconte la crise d’adulescence d’une jeune femme interprétée par Victoria Bedos suite à sa rencontre avec un musicien incarné par Olivier de Closmadeuc.

 

Comment Vicky a vu le jour ?
Victoria Bedos : Nous avons coécrit le film avec Denis Imbert mais c’est une idée de lui à la base. On s’était rencontré à l’occasion de La Famille Bélier, au moment où j’en terminais l’écriture et me demandais à quel réalisateur faire appel. Une amie commune nous a alors présenté mais cela ne s’est finalement pas fait car les producteurs voulaient un cinéaste plus bankable. Cela étant, on avait très bien accroché tous les deux artistiquement et humainement. On s’est alors dit qu’il fallait que l’on fasse quelque chose ensemble et, comme c’est souvent le cas dans ce genre de situation, nous nous sommes retrouvés à déjeuner régulièrement. Et là, cet homme que je connaissais finalement à peine, m’a donné envie de me confier à lui. Je lui ai parlé de mes histoires de jeune femme de manière tout à fait naturelle, de ma vie et, notamment, de mon côté « retardataire » qui fait que je fais tout plus tard que les autres comme ma crise d’adolescence…
Denis Imbert : Etant donné que les choses n’avaient pas pu se faire sur La Famille Bélier, Victoria m’a aussitôt dit qu’il y aurait une autre chance pour que nous puissions travailler ensemble. Lorsque l’on a déjeuné tous les deux, malgré que je sois un homme de 45 ans hétéro beauf comme elle me qualifie, ses anecdotes m’ont passionnées. A force de la voir, de l’écouter me parler d’elle, j’ai eu l’intuition qu’il y avait une bonne histoire à raconter autour de sa vie et en particulier autour de son duo avec Olivier de Closmadeuc qui lui a permis de se construire et d’exister par elle-même. Et puis, je suis fan de films de famille avec des personnages très campés et avec cette histoire j’étais servi.
Victoria Bedos : Il est vrai que le chant est devenu une façon de me libérer à un moment où je cherchais à m’extraire du carcan familial et je sortais d’un mariage avorté.
Olivier de Closmadeuc : Avec Victoria, on se connaît bien. Cela fait déjà huit ans que l’on joue notre musique dans des bars avec Vicky Banjo. Nous, notre truc, notre univers, c’était un peu entre la musique et le théâtre, et seul le cinéma pouvait relier ces deux points. Alors quand Denis Imbert nous a fait confiance ça a été le top. Il a été audacieux. Avec ce film, il a su prendre des risques car nous ne sommes pas des comédiens.
Denis Imbert : Mais justement, ce que j’ai apprécié chez Victoria c’était sa volonté de ne pas seulement rester scénariste. Lorsque je lui ai proposé d’endosser le rôle principal, elle a accepté de se mettre en avant. Il y a un désir d’actrice chez elle et on parle d’une histoire très proche de sa vie. Pour les producteurs, il semblait normal, logique, qu’elle incarne le rôle.

Comment présenteriez-vous ce long métrage ?
Denis Imbert : Ce film aborde un thème très général, universel. Il est question de s’affranchir de son destin, de son carcan familial pour aller vers ce que l’on est vraiment, d’affirmer quel sens on veut donner à sa vie, quel chemin emprunter.
Victoria Bedos : Dans une famille, chaque personne est affublée d’une étiquette. Soit on l’assume, soit on finit par ne plus supporter ce costume devenu trop petit. Il s’agit de faire les choses pour soi et pas contre les autres. Vicky, c’est un regard d’enfant posé sur le monde réel. Mon père m’a toujours dit : « Ne tue jamais l’enfant qui est en toi ».
Olivier de Closmadeuc : Pour moi, l’histoire du film c’est d’assumer ce que l’on est, qui l’on est, de sortir de sa réserve. Tous les trois, dans nos vies respectives, nous avons vécu cela à un moment. Par exemple, pour ma part, je viens d’une famille pleine de principes, j’ai du faire une école de commerce mais moi c’est la musique qui m’a toujours attiré et j’ai du faire accepter cela à mes parents.
Denis Imbert : Ce film est finalement un cri d’amour à sa famille en disant : « laissez moi faire ce que je souhaite et pas exactement ce que vous espériez que je fasse mais je vous aime quand même ».

Si Victoria Bedos et Olivier de Closmadeuc jouent plus ou moins leurs propres rôles, comment s’est fait le reste du casting ?
Denis Imbert : On a très vite pensé à François Berléand car on voulait un comédien avec une vraie culture théâtre. Pour Chantal Lauby, ça s’est fait très vite aussi et elle a rapidement accepté. C’est quelqu’un qui soutient vraiment les premiers films. Elle est très à l’écoute des jeunes réalisateurs. Tous deux forment un couple de cinéma que l’on ne connaissait pas et cela m’intéressait de les réunir. D’autant que cela fonctionne très bien. Ils sont très crédibles. 

Qu’est ce que cela fait d’être entouré d’acteurs comme François Berléand et Chantal Lauby lorsque l’on est soi-même novice ?
Olivier de Closmadeuc : Jouer avec de tels comédiens, c’est formidable. Chantal Lauby est d’une générosité incroyable. Et puis elle a elle-même une fille du même âge que Victoria également musicienne donc elle a mis beaucoup de son intimité dans ce film. A travers lui, elle a appris à mieux comprendre sa propre fille.
Victoria Bedos : C’est quelqu’un de très sensible et humaine. Avoir des gens d’un tel niveau, ça nous élève forcément.
Denis Imbert : Le fait que des acteurs de ce calibre jouent dans le film a permis de lui conférer une certaine crédibilité.

Comment Benjamin Biolay est arrivé sur ce film ?
Victoria Bedos : Benjamin Biolay est un peu comme un grand frère pour moi. Lorsque je lui ai fait lire le scénario, il a aimé et a souhaité faire parti du film.
Olivier de Closmadeuc : Il a eu l’intelligence de bien vouloir jouer ce rôle et être dans l’autodérision. Avec ce personnage, il rigole de lui-même et rares sont les chanteurs qui auraient accepté.

Avez-vous tout de suite pensé à la comédie pour parler de cette histoire ?
Victoria Bedos : On a choisi la comédie car on n’a pas envie de plomber les gens. On a envie de faire plaisir, de divertir. Mais, au delà de ça, le carcan des genres ne m’intéresse pas car c’est de la vie dont on veut parler avec toutes ses facettes. Cela passe donc par de la comédie, de l’émotion…
Olivier de Closmadeuc : Ce qui est bien dans une œuvre, en musique comme au cinéma, c’est lorsqu’elle fait appelle à toutes les émotions de l’âme humaine.

Comment votre frère et votre père ont réagi en découvrant le film ?
Victoria Bedos : Même si l’on a pas mal repris le langage de mon père et de mon frère ainsi que des traits de caractère, les personnages ne sont pas un copié collé d’eux. C’est un mélange de plein de choses et l’on a poussé le côté caricatural. Après, il est vrai que Vicky est assez proche de ce que j’ai vécu vis à vis de mon père et de mon frère. Mais lorsqu’ils l’ont vu, ils n’ont pas culpabilisé, ils n’ont pas mal pris ce qui était montré. Et ce n’était pas du tout le but donc tant mieux. Il n’y aucune volonté de régler mes comptes ici.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 08/06/2016

À presque 30 ans, Victoire la petite dernière de la célèbre famille Bonhomme, l'éternelle enfant sage de la tribu, décide enfin de s'émanciper en découvrant l'alcool, le sexe, et... sa voix.