People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 26/05/2016

Rencontre avec Frédéric Beigbeder

Avec L’Idéal, Frédéric Beigbeder revêt ses habits de réalisateur afin d’adapter au cinéma Au secours pardon, un de ses romans mettant en scène Octave Parango, anti héros déjà présent dans 99 francs.

Comment l’envie d’adapter Au secours pardon est-elle née ?
Frédéric Beigbeder : Au départ, ce devait être un film réalisé par Jan Kounen et avec Jean Dujardin dans la suite logique de 99 francs. Mais ils se sont fâchés tous les deux et c’est moi qui ai hérité du projet. En fait, le film n’a au final pas grand chose à voir avec le roman dont j’ai notamment totalement évacué la dimension spirituelle.

Après avoir critiqué plutôt virulemment le monde de la publicité, c’est à celui de la beauté que vous vous attaquez, un autre univers dans lequel vous avez évolué. N’avez-vous pas le sentiment de cracher un peu dans la soupe ?
Je ne sais pas pourquoi j’ai cette manie de scier la branche sur laquelle je me trouve. Peut être qu’il s’agit d’un comportement d’enfant gâté. Il faut toujours que je crache dans la soupe, c’est plus fort que moi. En fait, je n’ai pas vraiment d’explication rationnelle. Ce que je peux dire, c’est que j’écris avant tout sur des choses que je connais.

Comment présenteriez-vous ce film ?
Il s’agit d’une satire du monde de la beauté mais la réalité du milieu est bien pire que ce que je montre. Les gens qui évoluent là-dedans sont fascinés par la beauté. Ils en ont fait leur chasse et je trouve cela très romanesque, féérique d’en parler car c’est un univers dont il est souvent peu question. Le but est de parodier ce microcosme, de montrer l’envers du décor comme pour la pub dans 99 francs. Je trouve bizarre qu’en France il n’y ait pas plus de satire. Cela dit, dès que l’on s’attaque à des marques, des annonceurs, il devient très difficile voire impossible de trouver un budget. Au delà de ça, je dirais que c’est un film qui se veut dans l’air du temps avec également les attentats, la sex tape, la puissance des réseaux sociaux. L’idéal parle d’aujourd’hui. C’est une comédie noire qui dénonce les travers de notre époque.

Diriez-vous que votre film est engagé ?
C’est une sorte de film engagé mais avec un grand ricanement. J’espère que sa vision pourra faire réfléchir quelques personnes peut être. En ce moment, tout le monde parle des lanceurs d’alerte alors qu’à mon époque, lorsque j’ai sorti ces livres critiquant le fonctionnement du monde de la beauté, de la mode ou celui de la pub, on disait que je crachais dans la soupe. Je ne sais pas si j’ai le courage d’un lanceur d’alerte mais il y a un peu de ça tout de même. Dans un prochain film, Octave pourrait très bien critiquer un autre univers qui m’est familier : la télévision. Mais, bizarrement, je ne crois pas que je trouverais les financements…

Tourner de nouveau avec Gaspard Proust, était-ce une évidence ?
J’avais déjà travaillé avec Gaspard Proust sur L’amour dure trois ans en effet. Son humour très corrosif, sa personnalité artistique, est assez proche du personnage d’Octave qui est quelqu’un de nihiliste, un salaud mais malgré tout attachant. J’aime les anti héros paumé, seul. En ce moment, c’est la mode des super héros mais moi ce sont les héros minables, les sous héros qui me plaisent.

Comment avez-vous pensé à Jonathan Lambert pour incarner cette PDG de l’Idéal ?
J’avais également déjà travaillé avec lui pour L’amour dure trois ans. C’est un excellent comédien qui collait parfaitement avec l’idée du personnage de cette PDG que je me faisais. Lorsque j’ai écrit le livre, l’un des patrons d’une grande marque de cosmétiques était un transgenre. Je trouvais intéressant de montrer à quel point le PDG d’une telle entreprise pouvait se mettre à la place de ses clientes. Jonathan Lambert est connu et reconnu pour ses personnages hauts en couleurs et ses travestissements donc il me semblait tout indiqué. 

Et Audrey Fleurot ?
Je suis vraiment fan d’elle dans les séries dans lesquelles elle joue et Intouchables. Elle est sexy et a un vrai corps de femme pas comme celui d’un mannequin. C’est une belle actrice qui accepte de ne pas se prendre au sérieux. Elle se fout de son image et avait vraiment envie de faire une comédie trash. Si beaucoup de comédiennes disent vouloir faire des comédies, elles sont finalement peu nombreuses à sauter le pas. 

La musique est très présente dans votre film…
En tant que DJ, j’adore choisir la musique de mes films. Dans celui-ci, il y a pas mal de rap et de housse russe. Peut être que je vais susciter un engouement pour cette musique en France et que tout le monde va danser dessus cet été.

Comment voyez-vous votre avenir cinématographique ?
A l’avenir, j’aimerais davantage écrire un scénario original. Ou alors adapter le livre de quelqu’un d’autre plutôt qu’un de mes romans encore une fois.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 15/06/2016

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