People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 11/12/2018

Rencontre avec Jacques Gamblin, Laetitia Casta et Nils Tavernier

Le cinéaste Nils Tavernier, accompagné de ses comédiens de prestige Laëtitia Casta et Jacques Gamblin, est revenu sur la genèse de son nouveau long métrage "L'incroyable histoire du Facteur Cheval", un biopic sur un personnage étonnant au projet fou : Ferdinand Cheval. Entretien.

Quel a été le point de départ de ce film ?
Nils Tavernier : C’est Alexandra Fechner, ma productrice, qui m’a suggéré de réaliser ce film. Je ne connaissais pas du tout cette histoire avant cela. Je me suis donc rendu sur place pour aller voir le Palais idéal et je l’ai trouvé incroyable. Imaginer que cet édifice a été construit avec des cailloux pendant plus de 30 ans est dingue. En fait c’est une véritable cabane pour enfants. Par ailleurs, la personnalité de Cheval m’a interpellé. Il était différent, légèrement fou, hors normes, monomaniaque. Il était exclu et s’excluait lui-même du monde. Moi, qui ai fait des études de psychologie, ce personnage m’intéressait particulièrement. J’ai tout de suite su que je voulais faire un film romantique, très heureux sur la fin. Je ne souhaitais pas faire de documentaire historique, quelque chose d’universitaire, mais un film qui fait du bien à l’âme. Un film câlin pourrait-on dire. Faire quelque chose de sombre, marqué par les hécatombes, le drame ne me bottais pas.

Comment se fait-il qu’aucun film n’ait été fait sur cette histoire auparavant ?
Nils Tavernier : Plus d’un réalisateur a rêvé de faire un film sur ce personnage, mais ce n’est pas évident car finalement l’intrigue est très mince. Il faut donc trouver le moyen d’étoffer l’ensemble. C’est pourquoi nous avons creusé les personnages de Philomène et de Ferdinand notamment puisque je désirais avant tout, comme je le disais plus tôt, réaliser un long métrage sur une histoire d’amour entre deux êtres.
Jacques Gamblin : D’ailleurs, ce qui est beau, c’est qu’il s’agit d’une histoire qui ne se justifie pas. C’est comme ça, ils s’aiment. Et, de ce postulat de départ, on creuse, on tire le fil. 

Pourquoi avez-vous choisi Laetitia Casta et Jacques Gamblin pour incarner votre couple ?
Nils Tavernier : J’ai écrit le film en pensant à Jacques Gamblin. Il aurait refusé, j’aurais trouvé quelqu’un d’autre mais c’est lui que je voulais vraiment. Je suis son premier fan. C’est un acteur bluffant, exceptionnel. Il a vraiment un truc. Notamment cette capacité, avec une simple mimique, une gestuelle, de pouvoir retirer 8 pages de texte d’un scénario. Il apporte beaucoup visuellement. Et pour moi qui ne viens pas de la radio, ni de l’écrit, mais de l’image, le visuel est essentiel. Il a donc beaucoup travaillé sur les mouvements du corps, des bras, de la tête et des yeux, car il ne fallait pas tomber dans quelque chose de burlesque. Au final, il incarne formidablement bien cet homme inébranlable malgré les épreuves. Quant à Laetitia Casta, elle a rejoint le casting un peu plus tard. Je voulais quelqu’un qui soit à la fois lumineux et terrien pour interpréter Philomène, cette femme qui ne comprend par pourquoi on ne peut pas être aimé par quelqu’un de normal lorsqu’on est différent. Ce que j’apprécie beaucoup, c’est que Jacques et Laetitia sont tous deux dans l’émotion, l’organique. Et non dans l’intellectuel.

Qu’est ce-qui vous a séduit dans l’idée de jouer dans ce film ?
Laetitia Casta : Je ne connaissais pas du tout cet homme et ce palais. En lisant le scénario, j’y ai vu une très belle histoire d’amour. Philomène est une femme qui sait regarder l’autre, aimer en toute simplicité. Pour moi, ce n’est pas une femme naïve ou soumise, mais une femme qui aime puissamment. Un sentiment très fort unit Cheval et son épouse. Pour ces raisons, j’ai aimé incarner ce personnage. Puis j’ai beaucoup d’admiration pour le travail de Jacques Gamblin et Nil Tavernier. C’est très agréable de travailler avec Nils car il laisse énormément d’espace à ses comédiens. Il leur accorde beaucoup de confiance. Nous pouvions lui proposer des choses. Il a été très généreux et ouvert. C’est d’ailleurs surtout un film collectif. Quant à Jacques Gamblin, c’est formidable de le voir jouer tout simplement. C’est un film qui a été très beau et agréable à faire. D’autant que c’est un avantage génial d’arriver au milieu d’un duo qui se connaît déjà et fonctionne bien.
Jacques Gamblin : Je ne connaissais pas non plus cette histoire, ni le lieu, et je pense que c’est un des plus beaux rôles que j’ai eu à interpréter. Il m’a bouleversé. Sur le tournage, je ne me reconnaissais pas quand je me voyais. Ce personnage m’a brûlé tant il est mystérieux. Quelque chose se passait. C’était émouvant. Ce sont vraiment les émotions qui me guidaient. C’est quelqu’un qui semble poussé dans la construction de ce palais par une force incroyable. C’est un homme qui a un côté mystique, qui communique avec les éléments qui l’entourent, avec son environnement. J’ai donc souhaité l’interpréter comme un homme qui a les pieds dans la terre et la tête dans les étoiles. C’est un individu double, avec sa poésie, son monde. 
Nils Tavernier : Ce que Jacques Gamblin fait de merveilleux dans le film c’est qu’il parvient à créer un personnage mystérieux que l’on aime tout de même, auquel on s’attache.

Aviez-vous des références particulières en tête ?
Nils Tavernier : Il existe des biopics très réussis auxquels j’ai pensé oui. Notamment le Van Gogh de Maurice Pialat. Ou le Camille Claudel 1915 de Bruno Dumont avec Juliette Binoche, qui est éblouissant en termes de mise en scène. Rodin de Jacques Doillon a également des qualités. Cela dit, chaque réalisateur a des références, mais tous diront qu’ils font avant tout un film unique.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

A lire également

L'incroyable histoire du facteur Cheval
L'incroyable histoire du facteur Cheval

Sortie : 16/01/2019

Fin XIXème, Joseph Ferdinand Cheval, est un simple facteur qui parcourt chaque jour la Drôme, de village en village. Solitaire, il est bouleversé quand il rencontre la femme de sa vie…