People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 10/10/2016

Rencontre avec Jean-Christophe Meurisse et Céline Furher

Le metteur en scène Jean-Christophe Meurisse propose un premier film complètement déjanté avec sa troupe des Chiens de Navarre dans lequel Céline Fuhrer joue l’un des premiers rôles.

Comment vous est venue l’envie de passer des planches au grand écran ?
Jean-Christophe Meurisse : Tout d’abord nous aimons beaucoup le cinéma et dans notre théâtre, nous y faisons régulièrement des références. Personnellement, j’avais déjà réalisé un court métrage il y a 3 ans qui m’avait permit d’acquérir une première expérience ciné, d’autant que cette première tentative avait été plutôt bien reçue. Là, j’avais envie de raconter quelque chose que l’on ne pouvait pas raconter sur une scène et de parler de la France de 2016. J’avais cette ambition de dépeindre le paysage politique et social de notre époque.
Céline Furher : C’est un film qui questionne les valeurs, la famille… C’est à la fois un film sur la différence, la liberté et la normalité selon le point de vue.
Jean-Christophe Meurisse : Le but est de montrer une réalité avec un mélange de naïveté et de conscience, d’intelligence. Il s’agit de rester naïf sans être bête. Il y a du Diogène dans ces trois héros. Si on avait fait cela avec beaucoup de cynisme, ça n’aurait pas fonctionné. Je préfère raconter des choses tristes et révoltantes avec le rire

A quel point le rire est-il important pour vous ?
Jean-Christophe Meurisse : Enormément. Et aujourd’hui, par rapport à tout ce que l’on vit, ce que l’on traverse, le climat ambiant assez pesant, le rire a peut être un rôle plus important encore. Il y a un besoin de rire, de lâcher prise. Le rire est aussi une manière d’exprimer notre colère.
Céline Furher : L’humour permet de s’exprimer sur des choses qui nous tiennent à cœur avec pudeur mais de façon plus forte.

Le scénario était-il très écrit ?
Jean-Christophe Meurisse : J’ai simplement écrit un séquencier comportant une cinquantaine de scènes puis les comédiens ont improvisé leurs textes en fonction du cadre que je leur présentais. Même l’ordre des scènes n’était pas prédéfini.
Céline Furher : En fait, Jean-Christophe nous décrivait la situation. Par exemple : « trois personnes entrent dans une maison où un couple dîne et désirent en faire leurs parents ». A partir des ces indications, on improvisait les dialogues et le reste au fur et à mesure.
Jean-Christophe Meurisse : Il n’y avait pas de « action » ou « coupez ». La caméra tournait en permanence et ensuite on a derushé. Je film et je laisse vivre les choses. Je n’aime pas trop la narration, l’intrigue, la psychologie.
Céline Furher : L’improvisation fait que l’on parle de nous, même si on force le trait. Instinctivement nous faisons appel à des choses vécues, que nous connaissons. Pour autant, cela n’empêche pas d’avoir des personnages très incarnés à travers lesquels on peut se projeter.

Votre film part parfois loin, aviez-vous des limites ?
Jean-Christophe Meurisse : Mes limites sont avant tout celles de notre plaisir. Mais également celles des comédiens que je laisse très libres. J’aime le côté un peu surréaliste, léger, assez dada.
Céline Furher : Il y a dans le film des moments tellement oniriques qu’on ne sait plus s’ils le vivent vraiment ou non.

Pourquoi ce titre Apnée ?
Jean-Christophe Meurisse : Déjà, « apnée » est un mot qui est laid à dire mais que j’aime bien. J’aime tous les sens de ce mot là. Puis, il fait référence au côté irrespirable de la première partie du film. Enfin, j’aime ce que sont les apnéistes. Ce sont des gens un peu dingues qui essaient de s’adapter à un milieu pour lequel ils ne sont pas fait, à l’image du trio du film.

Un tel film est-il facile à financer ?
Jean-Christophe Meurisse : Non, ce n’est pas forcément le genre de film évident à financer mais nous avons eu la chance de trouver un producteur qui a accepté de faire confiance à une équipe et à un scénario pas très élaboré et conventionnel. En revanche, le CNC (ndlr : Centre national du cinéma et de l’image animée) n’a pas voulu nous aider. Ils ne nous ont donné aucune subvention. Et je n’ai aucun souci à dire que je les emmerde profondément. Je suis en colère envers eux. Mais de toute façon, on sait bien que le CNC et le rire…
Céline Furher : Il y a une suspicion des institutions vis à vis du rire.

Quelles sont vos références cinématographiques ?
Jean-Christophe Meurisse : Mes références cinématographiques se rapprocheraient de Roy Andersson, Maurice Pialat, Bertrand Blier, Alejandro Jodorowsky…

Apnée a été présenté à la Semaine Internationale de la Critique lors du dernier Festival de Cannes, comment avez-vous vécu cela ?
Jean-Christophe Meurisse : Cannes, ça a été une vraie surprise pour nous même si c’était l’objectif du producteur. Ca a été une énorme joie et cela nous a donné une grande confiance. L’accueil y a été plutôt bon de la part du public.

Quels sont vos projets ?
Jean-Christophe Meurisse : Nous allons nous produire en 2017 dans toute la France avec une nouvelle création théâtrale. Côté cinéma, il n’y a rien de plus de prévu pour l’instant. J’ai cette chance de pouvoir en faire comme ça me chante, sans pression.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 19/10/2016

Céline, Thomas et Maxence marchent toujours par trois. Comme la trilogie de la devise républicaine. Ils veulent se marier, une maison, un travail et manger tous les jours des huîtres.