People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 05/10/2016

Rencontre avec Katell Quillévéré

Pour son quatrième long métrage, la réalisatrice Katell Quillévéré s’est lancé dans l’adaptation du best-seller Réparer les vivants.

Comment vous est venue l’envie d’adapter Réparer les vivants au cinéma ?
J’ai découvert ce roman de Maylis de Kerangal à sa sortie en 2014 et je l’ai littéralement dévoré. J’ai instinctivement eu le sentiment qu’il y avait derrière ces mots la promesse d’un film magnifique. Cette histoire de greffe de coeur m’a profondément touché. Et les thèmes de la résilience, de la trajectoire m’intéressent. La question « Comment se remet-on du scandale de la mort ? » a quelque chose de passionnant.

Le roman a connu un franc succès, cela rajoute t-il une certaine pression ?
J’avais en effet un peu peur de faire ce film car le roman est merveilleux et un best-seller. Cela met donc une vraie pression supplémentaire car on sait que l’on est attendu au tournant. Mais la peur participe du désir d’accomplir quelque chose, donc finalement cela m’a poussé à me surpasser.

Maylis de Kerangal a t-elle été présente et êtes-vous restée très fidèle au roman ?
Même si elle n’a pas participé à l’écriture du scénario, à chaque étape, Maylis était présente et avait un droit de regard. Ca a été un super repère pour moi. Après, je me suis avant tout fixé de faire un bon film. L’idée était d’être libre, de m’affranchir, tout en restant fidèle à ce que le livre a d’essentiel, de profond. La liberté était ma condition et Maylis de Kerangal l’a très bien compris. Et, a priori, elle a beaucoup aimé le film. La première fois qu’elle l’a vu, elle a été bouleversée.

Où avez-vous pris certaines libertés ?
J’ai notamment davantage développé le rôle de la receveuse afin de rendre l’histoire plus supportable. Il fallait la rendre plus humaine, plus réelle, parler de son vécu sentimental, de son envie de vivre… De plus, le récit est composé de nombreux personnages mais je ne voulais pas de ce côté choral qui ne me plaît pas plus que ça. Tout comme je ne voulais pas qu’un personnage soit mis en avant. J’ai donc cherché un entre deux au niveau de la construction narrative. Au final, je dirais qu’il s’agit d’un film relais dans lequel les comédiens se passent le témoin.

Malgré la dureté du sujet, votre film ne tombe pas dans le pathos et aborde les choses avec finesse et justesse…
C’est vrai, c’est un film qui a beaucoup de pudeur, de douceur malgré la violence et l’horreur du sujet. Je ne voulais certainement pas d’une prise d’otage sentimentale. En revanche, le cinéma sert aussi à donner à voir des choses que l’on n’a pas l’habitude de voir, ou que l’on ne voudrait, a priori, pas voir. Il a une dimension cathartique et c’est ce qu’il a de plus beau. Il s’agit de faire ressentir des choses aux spectateurs. Les sens sont primordiaux.

Pourrait-on parler d’une dimension poétique ?
D’une certaine façon oui. Par exemple, l’eau que l’on voit au départ représente à la fois l’élan de vie et l’élan de mort. Il n’y a pas de vie sans eau, mais l’eau peut tuer. Dès le départ, il y a une sorte de pré-annonce à ce que le film va développer mais de manière suggestive, métaphorique. De même, la greffe de cœur est montrée comme quelque chose de très matériel, trivial, qui relève de la plomberie et de la couture, mais aussi comme quelque chose de sacré, qui s’apparente à de la magie pure. Je voulais filmer le corps de manière anatomique, poétique et métaphysique.

Cela étant, votre film reste très réaliste du début à la fin…
Il fallait que ce film soit juste scientifiquement et que le monde médical en soit fier. Nous avons donc passé pas mal de temps à l’hôpital avec Gilles Taurand, le scénariste, et rencontré de nombreux professionnels. Nous avons également assisté à une greffe du cœur avec certains acteurs et ça a été une véritable épreuve pour moi. Il fallait que je m’imprègne du réel, quitte à m’en écarter ensuite. Mais les gestes, la chronologie des opérations sont véridiques. Chaque maillon de la chaîne est reproduit comme il se doit et montre la beauté et les défis de ces métiers fascinants. Je voulais un film humaniste qui montre tout ce qui est mis en œuvre pour sauver la vie de quelqu’un.

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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