La réalisatrice iranienne Negar Azarbayjani signe, avec Une femme iranienne, son premier long métrage. Une histoire d’amitié qui traite de la place de la femme et de l’intersexualité dans un pays sous le joug d’un régime totalitaire très conservateur.
Quelle est la genèse d’Une femme iranienne ?
L’idée de faire ce film provient de quelque chose qui m’est arrivé lorsque j’étais plus jeune. J’avais alors un ami qui était transgenre et avec qui j’ai partagé son parcours et ses difficultés. Je trouvais intéressant d’évoquer ce sujet. Quand j’ai rencontré Fereshteh Tarpoor, la productrice, celle-ci m’a parlé d’un autre projet qu’elle avait à propos d’une femme chauffeur de taxi, un fait rare en Iran. Nous avons alors construit une seule et même histoire à partir de ces deux postulats de départ.
Comment décririez-vous votre film ?
C’est un récit sur l’humanité, une histoire d’entraide et d’amitié simple mais pure et sincère entre deux personnages très différents, qui apprennent à s’apprivoiser en passant outre les préjugés. Il y est question, en grande partie, de la place de la femme iranienne.
N’était-ce pas osé d’aborder un tel sujet ?
Nous prenions un gros risque avec ce film car il fallait à tout prix faire attention de rester dans le cadre des règles strictes du pays. Nous ne savions pas si nous obtiendrions la permission de tourner. Longtemps, nous avons pensé que ce ne serait pas possible de traiter de thèmes tels que la place de la femme et l’intersexualité en Iran car il s’agit de sujets encore tabous. Finalement, nous avons eu le feu vert.
Comment l’expliquez-vous ?
Déjà, pour avoir les autorisations, nous nous sommes engagés à montrer le film aux autorités une fois celui-ci terminé et à ne pas le diffuser si elles émettaient des réserves. Au final, il n’y a eu aucun souci.
Comment vous-y êtes vous prise ?
En fait, nous avons décidé de ne pas prendre parti pour l’un ou l’autre des deux personnages principaux. Nous avons voulu trouver un juste milieu entre la femme iranienne traditionnelle et religieuse et celle transgenre et issue d’une famille moderne. Rana, la chauffeur de taxi issue d’un milieu plutôt conservateur, a permis d’exprimer toutes les réserves, les limites, face à la question de l’intersexualité et ainsi obtenir les permissions. De plus, durant un an et demi, nous avons travaillé à construire des personnages avec beaucoup d’étoffes et cela à rassurer les autorités. Nous ne sommes pas du tout dans la caricature, ni d’un côté, ni de l’autre.
Le film reste plutôt positif…
Notre but est de montrer que les choses avancent dans le bon sens. Nous sommes optimistes et souhaitons donner à comprendre aux gens ce que c’est d’être transgenre pour continuer à faire évoluer les mentalités.
D’ailleurs comment le film a t-il été reçu lors de sa sortie en Iran ?
Le public a très bien réagi. Nous avons même été surprises par la tranche la plus conservatrice et religieuse qui a également apprécié. Le sentiment était très positif et ils nous ont dit que le film allait leur faire changer leur regard sur le sujet. De même, des familles concernées par la problématique de l’intersexualité nous ont confié que cela allait les aider à mieux accepter la chose.
Qu’en ont pensé les transgenres eux-mêmes ?
Le changement de sexe est très répandu en Iran et même autorisé et en partie financé par le pouvoir. Paradoxalement, cela reste assez compliqué d’en parler. Les transgenres ont donc beaucoup aimé le fait que l’on parle d’eux pour la première fois de manière aussi directe et ce, sans tomber dans le cliché car le personnage de Adineh est très réaliste.
Avez-vous des projets pour la suite ?
Nous aimerions réaliser une suite à ce film mais rien n’est encore sûr. Nous voudrions montrer aux gens comment chaque personnage évolue. Que ce soit la relation de Rana avec son mari vis à vis de Adineh, mais aussi de voir si cette dernière va aller jusqu’à l’opération notamment et si l’amitié entre les deux personnages perdurera ou non.
Mathieu Perrichet
Rana est forcée de conduire un taxi à l'insu de sa famille pour rembourser la dette qui empêche son mari de sortir de prison.