Chocolat est Le quatrième long métrage de Roschdy Zem. Le film retrace sur la vie du premier artiste noir, devenu populaire en France à la fin du XIXe siècle. Le clown Chocolat est interprété par Omar Sy.
Comment Chocolat a t-il vu le jour ?
Roschdy Zem : Tout est parti de l’idée des deux producteurs qui avait envie de faire quelque chose à partir du livre de l’historien Gérard Noiriel : Chocolat clown nègre. Finalement, je suis arrivé assez tard sur le projet. La première version du scénario était déjà écrite lorsque l’on m’a contacté pour en être le réalisateur. J’ai accepté notamment pour l’histoire d’amitié, pour ce personnage que je ne connaissais pas et pour Omar Sy qui est un homme et un comédien pour lequel j’ai beaucoup de respect et d’admiration.
Etes-vous à l’origine du choix de James Thiérrée pour incarner Footit ?
Roschdy Zem : Hormis Omar Sy qui était déjà de l’aventure lorsque je suis arrivé, j’ai eu mon mot à dire sur le reste du casting et je n’ai choisi que des acteurs pour qui j’ai de l’admiration et ceux-ci me l’ont bien rendu. James Thiérrée est un comédien que j’apprécie et qui connaît très bien le monde circassien. Il a une vision pure et sacrée du cirque, très éloignée de la dimension business que l’on peut voir aujourd’hui. Egalement danseur, acrobate et mime, c’est à lui que l’on a confié le soin de confectionner les numéros que l’on voit dans le film.
Omar Sy, pourquoi avoir accepté ce rôle ?
Omar Sy : Chocolat tombait à pic. C’est un projet ambitieux. Le fait de pouvoir jouer de nombreuses choses à travers mon personnage était intéressant pour moi et la suite de ma carrière. J’ai pris cela comme un apprentissage, un défi artistique. A ce moment là, j’avais envie de ce genre de challenge. Et il s’agit du premier film que j’ai pu vraiment choisir depuis Intouchables. L’arrivée de Roschdy Zem en tant que réalisateur n’a fait que conforté ma décision. Ce qui m’a également séduit c’est le fait de jouer dans un film d’époque car je reçois beaucoup de scénarios mais jamais dans ce style. Et puis le personnage de Rafael Padilla (ndlr : alias Chocolat) me captivait. Venant moi-même d’un duo comique, j’ai soudain ressenti l’héritage laissé par ces deux clowns. De Chocolat et Footit à Omar et Fred, il n’y a qu’un pas. Je vois ce film comme un hommage à lui, à eux, et aux artistes en général.
Comment s’est déroulée la rencontre entre Omar Sy et James Thiérrée ?
Roschdy Zem : Selon moi, la rencontre entre James Thiérrée et Omar Sy, c’est la rencontre du corps et du verbe. Ils sont complémentaires. Au fur et à mesure du travail effectué, j’ai réellement vu un couple se former comme entre Chocolat et Footit.
Omar Sy : On a beaucoup parlé avec James. Comme le dit Roschdy, lui ça passait par le corps, moi par la parole. On s’est apporté l’un l’autre, on a appris l’un de l’autre. Le travail sur le corps, le mouvement, le déplacement, ce sont des choses que j’ai acquises aujourd’hui grâce à lui et qui me serviront à l’avenir. Son discours particulier sur le cirque est enthousiasmant. James apporte une véritable valeur ajoutée au film par son expérience et sa connaissance dans le domaine circassien. Il m’a mis à l’aise. Il y a eu des moments intenses d’émotion mais aussi des disputes. Durant un mois, notre duo a peu à peu pris forme et lorsque le tournage a commencé, nous étions donc prêts à incarner ce couple.
Roschdy Zem : Grâce à tout ce travail en amont, nous ne nous sommes pas retrouvés avec deux acteurs qui se découvraient sur le plateau et c’était très bien. On voyait vraiment un couple émergé, ça avait un côté touchant. Entre les deux, une vraie amitié, une complicité est née.
Avez-vous du beaucoup vous entraîner ?
Omar Sy : Il y a eu un gros travail avec beaucoup de préparation. Pendant quatre semaines, James et moi sommes restés enfermés pour nous entraîner intensivement. J’ai du me préparer physiquement mais aussi techniquement. J’aime faire des films pour ça. C’est quelque chose qui me plait. James m’a également conseillé des clowns aussi bien modernes qu’anciens à regarder.
Comment vous-y êtes vous pris pour filmer les numéros de cirque ?
Roschdy Zem : Il fallait vraiment donner le maximum de liberté à Omar et James durant les scènes de numéros de cirque et essayer d’en tirer le meilleur. C’est nous qui avons du nous adapter à leurs mouvements. On a filmé le moment présent à chaque fois et le danger réel que représentait chaque numéro. C’est pour cela que le rendu est aussi réussi. Au final, on a passé pas mal de temps au montage pour garder les meilleures séquences.
Ce film ne parle t-il pas avant tout de racisme ?
Roschdy Zem : Il n’y a pas de misérabilisme, de dénonciation, de volonté de culpabiliser dans ce film qui n’a rien de militant. Les gens sont conscients de la façon dont les choses se passaient à cette époque. Il fallait donc que le sujet du racisme apparaisse en filigrane mais qu’il ne soit pas imposé. Dans un sens, si l’on peut presque s’en vouloir de ne pas avoir entendu parler de Chocolat avant, il y a surtout quelque chose d’apaisant, de rassurant, de savoir qu’un artiste noir ait eu du succès en France à cette époque là. C’est un artiste qui a ouvert des brèches.
Omar Sy : Là où Roschdy Zem a été intelligent c’est que le film parle de racisme sans que cela soit mis en avant pour autant. On parle davantage de cirque, d’amitié, de la vie…
Roschdy Zem : Les choses doivent être remises dans leur contexte. Pour aimer son présent, il faut connaître son passé. Et plus je me plonge dans l’Histoire de la France, plus j’aime ce pays.
A quel point êtes-vous fidèle à la réalité ?
Roschdy Zem : Il existe très peu d’élément concernant la vie de Chocolat. Les archives sont rares hormis quelques articles de journaux. Même l’historien qui a écrit le livre a du se contenter de peu de matière. Du coup, ne sachant que très peu de choses, nous avons pris beaucoup de liberté mais celles-ci sont essentiellement au service de l’histoire et des personnages afin d’étoffer l’ensemble. Nous ne trahissons pas l’esprit. Comme disait Alexandre Dumas : « On peut coucher avec l’Histoire, du moment qu’on lui fait de beaux enfants ». Par exemple, la rencontre entre Chocolat et Footit ne s’est pas du tout faite comme dans le film.
Mathieu Perrichet
Du cirque au théâtre, de l'anonymat à la gloire, l'incroyable destin du clown Chocolat, premier artiste noir de la scène française.