People/Cinema - Par Mathieu Perrichet - posté le 02/06/2016

Rencontre avec Safy Nebbou et Raphaël Personnaz

Le nouveau long métrage de Safy Nebbou emmène le spectateur sur les bords du lac Baïkal, au cœur de la Sibérie, afin d’y suivre les aventures d’un homme en quête de liberté incarné par Raphaël Personnaz.

Comment vous est venue l’idée d’adapter le livre de Sylvain Tesson ?
Safy Nebbou : Le livre de Sylvain Tesson est sorti en 2011 et a connu un succès considérable puisqu’il est devenu un best seller et a obtenu le prix Médicis. Lorsque j’ai lu cette histoire d’un homme ayant décidé de quitter la civilisation pour s’isoler en Sibérie, en pleine nature, et tenir un journal de bord sur son expérience, cela m’a beaucoup touché et j’y ai vu une véritable dimension romanesque. J’ai donc vite contacté Sylvain Tesson qui a d’abord été étonné que l’on puisse s’intéresser à ce livre pour en faire quelque chose au cinéma. Mais à force de discuter tous les deux, les choses se sont précisées et le film a pu se faire. Sylvain Tesson est quelqu’un de très libre, de très disponible. Il était excité qu’à partir de ses écrits, je puisse inventer quelque chose d’autre. En fait, le film est une adaptation libre dans laquelle on retrouve également les traces d’une de ses nouvelles avec la rencontre du Russe notamment.

Sylvain Tesson a t-il été présent dans la conception du film ?
Safy Nebbou : Il a été assez présent. Il a lu le scénario et a beaucoup aimé le film. Le plus beau compliment qu’il ait pu me faire est de m’avoir dit qu’il aurait aimé rencontrer Aleksei, le personnage du Russe en cavale. Après, il n’a pas pu venir sur le tournage en raison d’un accident qu’il lui est arrivé mais il est ensuite venu en convalescence dans la cabane que l’on voit dans le film.

Le tournage a t-il constitué une expérience particulière ?
Safy Nebbou : Sur le tournage, ce désert glacé, l’immensité du paysage, le calme m’ont fasciné. Le silence est très présent et très fort dans ce qu’il procure. Lors de notre retour à Paris, on était assailli par le bruit, on avait perdu l’habitude. On se sentait un peu agressé et chaque son se découpait : la machine à café, la voiture qui passe, le téléphone qui sonne… Je me suis senti solidaire de la démarche de Sylvain Tesson quant à cette envie de partir. Nombreux sont ceux qui y pensent mais qui ne passent pas à l’acte. Ce film a été une vraie expérience personnelle et cela m’a changé. Je vois les choses différemment maintenant. Il est certain qu’il y aura un avant et un après tant dans ma vie personnelle que dans ma vie professionnelle.

L’histoire apporte une certaine réflexion philosophie sur la vie…
Safy Nebbou : En effet. Et le fugitif russe explique d’ailleurs que la vie ce n’est pas de vivre dans une cabane isolée de tout. La vie, ce sont les autres, les échanges… Les gens qu’ils rencontrent là bas ne comprennent pas forcément sa démarche alors qu’eux rêveraient de venir en Europe.
Raphaël Personnaz : Ce qui est intéressant, c’est que l’homme, face à la nature, retrouve ses instincts mais se rend compte également que la nature est plus forte que lui et l’admet. 

Comment avez-vous pensé à Raphaël Personnaz pour incarner Teddy, le personnage principal ?
Safy Nebbou : Je cherchais un acteur de cette génération et ils étaient finalement assez peu à pouvoir incarner ce personnage à mes yeux. Raphaël Personnaz a quelque chose de doux, un côté émotionnel fort et il n’est pas encore formaté. Il a encore une certaine candeur, une innocence. C’est un comédien qui peut encore s’émerveiller et je sentais qu’il pouvait porter ce film.

Raphaël Personnaz, qu’est-ce qui vous a séduit dans ce projet ?
Raphaël Personnaz : J’avais lu ce bouquin il y a 5 ans, au moment de sa sortie. La manière dont ce type parvenait à retranscrire une envie de société telle que le fait de tout laisser tomber afin de se retrouver m’avait frappé. Je le comprenais et je concevais ce désir de retour à l’essentiel. Donc, lorsque ce rôle est arrivé jusqu’à moi, je ne pouvais que me lancer dans l’aventure. Sur place, en Sibérie, je me suis rendu compte que les résistances se brisent rapidement, on se laisse submerger par la nature. Je pense que c’est un voyage qui nous a tous marqué et qui nous a fait du bien. Et puis, Dans les forêts de Sibérie propose autre chose que ce que l’on a l’habitude de voir dans le cinéma français. Il emprunte des chemins de traverse. Cela fait souffler un vent assez salvateur je trouve, surtout avec les choses difficiles que l’on vit depuis quelques temps en France. 

Comment avez-vous composé votre personnage ?
Raphaël Personnaz : C’est un personnage qui veut sortir de l’enfance, qui s’est sans doute étourdi d’une manière ou d’une autre dans sa vie citadine. Mais pour être honnête, on n’a pas cherché à vraiment lui créer une vie, on ne voulait pas de psychologie, on préférait une page blanche sur laquelle le spectateur pouvait se projeter aisément.
Safy Nebbou : Dans cette histoire, le personnage inspiré par Sylvain Tesson représente finalement chacun de nous, ce qui donne la possibilité aux spectateurs de s’identifier. C’est pourquoi on a en effet préféré ne pas psychologiser l’histoire et le personnage. La démarche n’est pas intellectuelle mais beaucoup plus essentielle. Il y a une forme d’innocence dans tout ça.

Avez-vous pensé à des films en réalisant celui-ci ?
Safy Nebbou : Seul au monde, Duel dans le Pacifique, Lawrence d’Arabie, Into the Wild, sont des films qui m’ont plus ou moins inspiré. Côté français, par contre, je ne vois pas avec quoi on pourrait le comparer. Les thèmes abordés dans ce film sont plutôt très peu présents dans notre cinéma. C’est un long métrage singulier mais accessible.

Pourquoi avoir choisi Ibrahim Maalouf pour composer la bande originale ?
Safy Nebbou : Ibrahim Maalouf est arrivé en cours de tournage. En fait, j’avais demandé à Raphaël Personnaz s’il savait jouer d’un instrument et il m’a répondu la trompette. Je lui ai alors dit de l’emporter avec lui pour voir si l’on pouvait en faire quelque chose. Puis il m’a fait écouter un morceau de Ibrahim Maalouf et j’ai eu une sorte de flash, il fallait que ce soit lui. Je lui ai donc proposé et il a accepté. Je voulais une musique avec de l’ampleur mais pas classique. Il a vraiment sa place dans le film car c’est quelqu’un de libre et sa musique s’en ressent. Il est à part, son style ne peut pas être mis dans une case et correspond très bien au projet, à l’ambition du film. Au final, la musique est un personnage à part entière.

La Vodka joue également un certain rôle dans ce film…
Raphaël Personnaz : Il est vrai que notre consommation de Vodka a été assez considérable.
Safy Nebbou : On a bu un certain nombre de bouteilles on va dire. Je n’aime pas le chiqué donc lorsque les personnages boivent de la Vodka dans le film, ce n’est pas de l’eau. Je voulais que ce soit réaliste et puis il fallait bien se réchauffer un peu dans cet environnement.
(ndlr : L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. A consommer avec modération)

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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Sortie : 15/06/2016

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