People/Cinema - Par Mathieu Perrchet - posté le 06/04/2018

Rencontre avec Yann Le Quellec

Le réalisateur Yann Le Quellec est venu nous parler de son premier long métrage, Cornelius, le meunier hurlant, une comédie dramatique déroutante.

Comment vous est venu l’envie d’adapter ce roman d’Arto Paasilinna sur grand écran ?
Je connais bien les livres de Arto Paasilinna. Le meunier hurlantfait parti de ceux que je préfère. En le lisant, j’y ai tout de suite décelé la matière pour en faire un film. Cela, avant même de réaliser mes deux moyens métrages. Il y avait en fait plusieurs éléments dont j’avais envie de m’emparer. Pour commencer, ce personnage charismatique, singulier, en prise avec une communauté, m’attirait. C’est un homme qui se heurte en permanence à la norme. J’aimais également le rapport à la nature dans cette histoire. Enfin, son côté très foisonnant et picaresque me plaisait bien. Cela traite de thématiques sombres mais sous la forme du burlesque. On y découvre un humour doux amer, grinçant, mais dépourvu de cynisme. Il y avait clairement une bonne matière de départ à mes yeux.

Êtes-vous vraiment resté fidèle au roman ?
D’emblée j’avais informé Paasilinna de mon intention de rester fidèle à l’esprit mais qu’il faudrait que je m’écarte de la lettre. D’abord, le livre est très dense et je voulais en simplifier l’intrigue en abandonnant certaines thématiques secondaires. Des personnages ont disparus, d’autres se sont renforcés ou sont apparus. Le personnage de Carmen est notamment plus central dans mon film. Je trouvais intéressant de la montrer en prise entre son amour pour Cornélius, et les réactions hostiles de sa communauté. Par ailleurs, la langue de Passilinna est difficilement transposable à l’écran. C’est donc par le biais des corps que j’ai traduit sa poésie. 

Comment décririez-vous ce film ?
C’est une sorte de conte psychédélique, mélancolique, avec un côté mythologique. On y voit la naissance d’un héros dont on va suivre les aventures. A travers lui, le film apporte une interrogation sur la singularité. Sans pour autant tomber dans la psychologie. C’est un film qui, sous certains aspects, peut déranger, mais qui parle d’amour, de différece, de liberté dans un monde désenchanté, policé. En fait, il y a différents niveaux de lecture dans Cornelius, le meunier hurlant. Tout le monde peut y trouver son compte. Que ce soit les enfants ou les adultes. On y retrouve ainsi l’univers de la fable, mais également une dimension très romanesque et premier degré.

Quelles sont vos références cinématographiques ?
J’adore le cinéma burlesque de Buster Keaton, Charlie Chaplin, Jacques Tati. J’aime aussi le fait que le cinéma, à ses origines, se nourrissait du music hall, du cirque. Pour moi, la question de l’enchantement est importante. J’aime les films qui ne sont pas naturalistes et dont il s’agit de faire comprendre les codes aux spectateurs pour l’embarquer.

Comment avez-vous trouvé Bonaventure Gacon pour incarner Cornelius ?
Afin d’interpréter Cornélius, je voulais un Depardieu jeune, charismatique, avec une présence physique qui puisse impressionner. Une personnalité hors-norme mais sensible, voire fragile, qui puisse aller vers la danse. J’ai fait de nombreux castings d’acteurs de cinéma, de théâtre, mais aussi de danseurs, etc. Mais je ne trouvais pas la personne adéquate et cela me désespérait pas mal. Finalement, deux amis ont lu le scénario et, sans se concerter, m’ont parlé de Bonaventure Gacon. « C’est une pointure du monde du cirque et du spectacle vivant » m’ont-ils dit. Avant d’ajouter qu’il n’y avait « aucune chance qu’il accepte de faire du cinéma ». Je suis tout de même allé voir son spectacle et j’ai été impressionné par sa puissance, son agilité, sa nature, son humanité. Sans hésitation, je lui ai proposé le rôle. Il a commencé par décliner. Puis il a regardé mes films précédents. Nous avons beaucoup discuté et il a fini par accepter. Il s’est vraiment investi dans la préparation et durant le tournage. 

Qu’en est-il du reste du casting ?
Concernant Anaïs Demoustier, j’y ai rapidement pensé. Je recherchais quelqu’un à la fois de solaire, charmant, qui ait une poésie, une légèreté et dont on puisse sentir qu’il y ait chez elle une sorte de fascination face à ce que propose Cornélius. Lorsque Anaïs et Bonaventure se sont rencontrés, ça a été comme une évidence. Ils sont chimiquement très différents et c’est ce qui m’intéressait. Néanmoins, l’alchimie fonctionnait très bien. Sur le plateau, ils étaient vraiment mignons. Bonaventure était très ému par ce que proposait Anaïs, qui était elle-même déstabilisée. Il y avait une sorte d’admiration mutuelle, teintée de respect et de charme. Quant à Gustave Kervern pour incarner le maire, je le connais bien et j’avais très envie de le faire jouer. En général, quand je fais un film, j’aime constituer une troupe avec des gens du ciné, de la danse, du cirque, etc. J’aime collaborer avec des artistes de pratiques et de cultures très différentes. 

Comment Iggy Pop s’est-il retrouvé à chanter pour ce film ?
C’est très simple, Iggy Pop rêvait de travailler avec moi… Plus sérieusement, un jour alors que j’étais en voiture à la recherche de certains décors pour le film, j’ai entendu à la radio Iggy Pop chanter Les Passantesde Georges Brassens. A cet instant, je me suis dit que ça serait génial de l’avoir pour la bande son. Il a ce côté romanesque et animal qui va très bien avec le film. Je lui ai donc envoyé le début du film, des paroles et une mélodie qu’il a aimées. Et nous nous sommes donc retrouver chez lui, à Miami, pour enregistrer en français le thème musical d’intro et celui de conclusion du film.

Avez-vous d’ores et déjà une idée pour un deuxième long métrage ?
Je réfléchi actuellement à un film que je pourrais tourner en Bretagne, dont je suis originaire. Mais il ne s’agirait pas, comme vous l’imaginez, d’une Bretagne naturaliste. Cela se passerait sans doute sur une île. Au sein d’une communauté une fois de plus…

Propos recueillis par Mathieu Perrichet

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